Mellow, groupe pop atmosphérique français, auteur du très beau single Instant love sur un premier album prometteur, avant une parenthèse cinématographique pour le CQ de Roman Coppola (hommage conceptuel aux soundtracks, de belle facture, mais ennuyeux), n’a pas tiré son épinette de la récession post french-touch aussi bien que, disons, Daft Punk ou Air. Pourtant rescapés de la grande restructuration de l’electro-house française, ils n’ont cessé de creuser leur même sillon rétro-futuriste un brin antidaté, là où Godin et Dunkel, par exemple, alternaient savamment démesure de producteur (10 000 hz legend) et simplicité pop (Talkie walkie), histoire de ne pas perdre notoriété ni crédit financier. Surtout, Air a toujours eu le talent de favoriser d’abord l’élément primordial, fondateur, essentiel de la pop-music : la mélodie. Et c’est malheureusement ce qui fait défaut à ce Perfect colors, très joliment produit par ailleurs (vieux orgues, cuivres et cordes divers, belles guitares arpégées, rythmiques compliquées), mais dénué de cet éclat particulier, cette lumineuse évidence, le clair scintillement, d’une mélodie simple et universelle. D’ailleurs, quand Mellow chante « Goddbye mellow days », on croirait entendre « Goodbye melodies », sur ce qui est pourtant une des plus jolies chansons de leur album, mais qui ne reste pas en tête plus de ses 3mn32 (Goodbye).
Pierre Begon-Lours et Patrick Woodcock n’ont pourtant pas lésiné sur les moyens : entre les sitars d’Ananda Shankar, les orgues en lisière de forêt du Pink Floyd, les flûtes traversières Love, des orchestrations baroques évoquant les lointains Beatles et George Martin, le groupe a décidé d’inviter certains de leurs amis à laisser leurs empreintes musicales sur plusieurs titres de l’album. Markus Dravs, connu pour son travail avec Brian Eno et Björk participe à la réalisation et assure les productions additionnelles de Love ain’t the answer, Drifting out of sight et Fantastic, sur lequel il joue également de la guitare. Parmi les autres invités, on retrouve Lionel Flairs (Ben Symphonic Orchestra, Flairs), bassiste sur Out of reach et surtout Marc Kerr (Simple Minds), revenu d’on ne sait où, qui co-écrit Between the lines et joue de la batterie sur plusieurs morceaux de l’album. Un autre batteur de prestige, Roman Coppola, exerce ses fonctions sur In the meantime boursouflé.
Malheureusement, ce n’est pas à coup de name-dropping, de bon ou de mauvais goût, qu’on fait un bon album. Et ce Perfect colors penche plus du côté de la pop bébête et surfaite de Tahiti 80 que des glorieux modèles 60’s invoqués. Une naïveté toute franco-française s’exprime dans les textes : reprenant la métaphore lysergique du réveil (« So I woke up this morning / Feeling some kind of pain »), faisant rimer « cry » avec « sky », surjouant la nostalgie et la mélancolie (« Goodbye wild ones, student years / I think we have to move on »). De leur côté les musiques semblent ne pas savoir choisir entre nostalgie complexée et modernité non assumée (les passages electro ambigus) et cet album tristounet ne prend jamais la mesure de la grandiose mission que la pop-music s’est fixée depuis les Beatles (le tour magique et mystérieux, les coeurs solitaires…). Petits faiseurs pop, copistes appliqués, Mellow semblent ne jamais savoir pourquoi ils font ça.