Manual et Herrmann & Kleine sont des artistes qui illustrent bien ce courant post-electronica qui doit autant à Boards of Canada qu’au rock triste, distordu et new wave des années 80. Deux artistes présents sur le label berlinois Morr Music, chapelle de cette pop électronique dont les meilleurs aboutissants sont à ce jour Lali Puna (sur Morr Music) et Múm (islandais signés sur Fat Cat, le merveilleux album Finally we are no one) suivis de près par Margo (l’album The Catnap sur Peter I’m Flying). La différence avec les groupes précités reste que Manual et Herrmann & Kleine n’intègrent pas de chant dans leurs compositions. Mais comme eux, ils partagent une même approche minimaliste de la pop, une même utilisation de l’électronique pour parvenir à recréer des squelettes d’amours rock du passé.
Le danois Manual, qui participe également au groupe Limp (toujours sur Morr Music) ou Aerosol (sur le label parisien Active Suspension) propose un album solo doux et onirique. La pochette (les derniers rayons de soleil rouge tombant sur une plage) et les titres de certains morceaux (Out of summer) pourraient rappeler l’album Endless summer de Christian Fennesz, mais la comparaison s’arrête là. Le danois s’attarde nettement moins sur le traitement des granulations sonores que l’autrichien, reste plus proche d’un esprit ambient ou post rock traditionnel. Il ne s’en dégage pas moins une plaisante singularité : Ascend doit être entendu comme une seule et longue plage d’harmonies rêveuses, de brides de guitares, de rythmiques discrètes mais livrées brutes, tendres, nostalgiques et féeriques.
A côté, le duo Herrmann & Kleine, plus proche d’une electronica qui rencontre la pop instrumentale, reste conduit par un même soucis de finesse. Les berlinois marquent plus les rythmes, boites à rythmes cheap à la construction hip-hop qui entourent quelques accords de guitares fébriles, quelques synthétiseurs aux mélodies ludiques. Our noise est alors un disque plus proche de Boards of Canada, non pas dans son traitement des sons, mais dans son enclin à une mélancolie toute innocente et naïve, parfois trop d’ailleurs. Manque le psychédélisme, l’angoisse et la force des émotions (on préfèrera à ce titre l’album solo de Christian Kleine, Valis), mais qui annonce des perspectives intéressantes quand sur le titre Shuttle il se complète de murmures doux et distants de la chanteuse Ariane Hensel, et d’un brouhaha de guitares nauséabondes qui nous ramènerait presque un temps du côté de My Bloody Valentine. Une comparaison exigeante, mais en l’occurrence méritée.