Deux jolis albums français qu’il ne faut pas rater. Tiré en CD à 300 exemplaires, Victor, Victor de Maison Neuve, est une vraie petite victoire du songwriting français à l’américaine. Des histoires d’enfants sauvages (Victor, Victor, magnifique morceau-titre, évoque l’histoire de Victor racontée par Jean Itard et mis en film par François Truffaut) et de folies légères, qui s’entêtent butés sur quelques accords lo-fi, de guitares ou de Casio, entre Smog (concentration) et Pinback (condensation), inventant des mathématiques modernes et poétiques qui ne renient pas leurs racines anglo-saxonnes et étendent généreusement leurs branches (une petite famille semble se former avec Sauvage Records, Add It Up, Herzfeld et Lispector, dont le New rap conversation est ici repris). Répétitives mais pas obtuses, ces chansons primitives (Velvet, Feelies ou Young Marble Giants ne sont pas loin) peuvent faire de l’esprit en se moquant avec tendresse des « Swedish bands in vintage shoes », tout en maniant les mélodies comme des flèches qui vont droit au coeur. Le groupe fait aussi son Guillaume Tell pendant des concerts tendus comme des arcs. Soyez-en la cible.
De son côté, si longtemps Françoiz Breut a eu besoin de maîtres chanteurs (Dominique A, ancien compagnon et initiateur de la migration) et autres oiseleurs (Katerine, Herman Dune, Calexico) pour poser des mots dans sa bouche, l’oiseau vole aujourd’hui de ses propres ailes, quand bien même ce serait A l’aveuglette, que l’on lira plutôt comme une invite au danger, à la limite, à la frontière, au devenir. On ne regrettera que par nostalgie La Colère et sa ronde de basse, et on appréciera une écriture affirmée (« La terre ne fait plus de caprices, ankylosée, elle bombe le dos »), qui ne s’embarrasse pas des formats mais laissent ses courses libératrices se déployer (Terre d’ombre), chantées avec un lyrisme inédit, interludées d’instrumentaux savants. Soutenue par des illustrateurs aux pinceaux affinés, Françoiz se réclame à la fois de Fifi Brindacier et d’ « un éléphant dans un jeu de quille ». Mettez-vous donc sur son chemin.