Matt Ward est un jeune songwriter américain, basé à Portland, Oregon, et dont Transistor radio est déjà le quatrième album. Les précédents, Duet for guitars, End of Amnesia et The Transfiguration of Vincent en ont fait un des meilleurs espoirs de la scène néo-folk américaine : Chan Marshall l’invite sur ses albums (il a notamment co-écrit le long morceau qui accompagne le récent DVD Singing for the trees), Howe Gelb (Giant Sand) a sorti son premier album sur son propre label, il est régulièrement cité et même repris par Sparklehorse, Grandaddy ou Jesse Harris. Quand il ne tourne pas en qualité de
guitariste de Bright Eyes, M Ward façonne son oeuvre solo, qui atteint avec Transistor radio de nouveaux sommets. Bâti autour du thème du pouvoir de fascination de la radio, ce nouvel opus joue avec nostalgie du folk de Greenwich Village, du boggie, mais également de la pop à la plus simple façon.
M Ward est jeune mais sa musique a le grain sépia de vieilles photographies et abonde en références lointaines : le finger-picking de John Fahey, le chant troublé d’Elisabeth Cotten, la décontraction de Neil Young, et par-dessus tout le son boisé, chaleureux, gorgé de réverbérations naturelles et d’échos anciens qui fait sonner sa musique comme anachronique ou intemporelle : folk, blues, country, ponctuée de pianos sporadiques, d’harmonica impressionnistes et de petites percussions sèches. Guitariste virtuose, empruntant sans complexe son toucher à Django Reinhardt ou au Fahey sus-cité, Matt Ward chante avec une voix brisée, asthmatique et douce, se doublant sur des refrains précieux. Cet hommage aux « radio days » lui permet de jouer sur les notions de mémoires (collective, individuelle), de réminiscences proustiennes, qui passeraient par le filtre grésillant et subtilement compressé des vieux postes à lampes. M Ward y enchaîne les classiques comme un vieux routier : une ballade langoureuse, Fuel for fire, évoquant Kris Kristofferson ; une histoire d’insomnies sur un rythme enlevé, Four hours in Washington, rappelant la prosodie dylanesque, des folk-songs délicates, et deux instrumentaux pour introduire et conclure un album parfait de bout en bout : le magnifique You still believe in me, repris de Brian Wilson et ses Beach Boys (une version amnésique, qu’on ne reconnaît pas tout de suite), et un extrait du Clavier bien tempéré de Bach, sublime de simplicité virtuose.
Matt Ward est le porteur discret d’une longue tradition de song-writing folk, élargissant peu à peu sa palette via le jazz et la musique classique, pour produire une musique d’un classicisme particulier : comme une musique documentaire, studieuse, témoin. On espère que sa carrière profitera de l’engouement médiatique autour des « folk revivalists » (Devendra Banhart, Cocorosie, Joanna Newsom) dont il est (malgré lui) l’un des membres les plus talentueux.
Lire notre interview de Matt Ward dans Le Mag