Une voix haut perchée, qui rappelle Baaba Maal ou Ismaël Lo, des percussions traditionnelles respectées par les instruments modernes, des inspirations venues d’horizons aussi divers que les destinations de l’exil : voici Lulendo, nouvelle voix de la musique angolaise, et son album, A qui profite le crime ?, mélodieux et contrasté. Tour d’horizon en quatorze chansons de cet album, qui est au renouveau de la musique angolaise comme « la pluie des mangues », cette pluie fine sans laquelle les fruits ne trouvent pas toute leur saveur.
Il y a sur A qui profite le crime ? un morceau à fuir, sorte de parasite métallique, N’Gosi, mélopée technoïde bercée de chants d’aéroports, 85 longues secondes acides à l’oreille. Qui a mis le feu ?, qui débute telle la journée par l’appel du muezzin quand le soleil n’est encore qu’une forêt d’ombres, se gâte bien vite en une pop africaine sans saveur, digne des récentes errances de Youssou N’Dour, à mille lieues de ses racines et de son talent : l’Afrique est là en fond, mais le feu non. Freedom, où les styles, les rythmes et les langues se mélangent se liquéfie en un melting flop.
Heureusement, les morceaux sans fard ni âme ne sont pas légion, et l’album de Lulendo se fait métisse dans ce que l’on en attend de meilleur. Les instruments toubab se fondent dans la musique traditionnelle : c’est le cas du violoncelle qui berce la douce mélodie teintée de cordes de Da me a mao, mais aussi de la flûte suave qui souligne l’errance des voix vers les aigus dans Rev’azul. Rev’azul, comme Monama, sont de belles réussites de fusion, comme si le chant appelant à une « révolution bleue, pacifique », inspirait l’évidence mélodique.
Les influences des pays voisins sont là : chants et danses zoulous dans Eyenda et N’Dalanda, où les souffles et chants syncopés tiennent lieu de rythmique, déhanchements enlevés du zouk zaïrois sur Papalakassa, mais aussi, à contre temps, sur Matongo.
Dans Kounka et Anasisidi, Lulendo utilise toute une batterie de percussions, jouées de doigts de maître par son complice Pape Dieye : kongama, birimbau, pamder, kess-kess, sawruba, tama, etc. C’est pour Lulendo l’exilé un retour aux sources, lui qui avait été formé par son grand-père à l’art difficile du likembé, percussion constituée de lamelles de fer que l’on pince avec les pouces, lamelles fixées sur la carapace d’une tortue, qui sert de caisse de résonance. Ces sonorités presque métalliques, proche des mélodies en gouttes de pluie des xylophones et autres balafons se retrouvent sur Anasisidi. Retour aux souvenirs d’enfance également, quand gamin à Luanda, Lulendo chantait dans des chorales protestantes : les voix et les chœurs sont présentes sur bon nombre de titres, et particulièrement sur Matongo.
Si l’album de Lulendo comporte quelques faux pas et des morceaux en demi-teinte, l’ensemble est plutôt réussi, et le chant des grillons qui accompagne la pureté dépouillée de Maquela’s time est signe de beau temps à l’horizon de Lulendo. It’s Lulendo’s time.
Lulendo (chant, guitare, likembé), Thierry Servien (guitare), Hélène Billard (violoncelle), Philippe Le Rabo, Bruno Césaroni, Franck Nelson (basse), Pape Diaye, Arnold Mouezza (percussions), Shana Saint Céran, Cathy Renoir, (vcl, choeur).