Remercions notre journaliste et écrivain musical préféré, David Toop, d’avoir fait se rencontrer Luke Vibert (alias Plug, Wagon Christ), jeune prodige plein d’humour de l’électronique des Cornouailles, et BJ Cole, vétéran de la steel guitar et guitariste hors pair -que j’avais personnellement découvert sur l’excellente compilation Guitars on Mars, justement réalisée par David Toop. Ce disque jouissif, qui suit un maxi-galop d’essai de trois titres sorti sur Law and Auder, est le fruit de leur entente : exotica, jazz, électronique, hip-hop, swing, jazz, psychédélisme, tout y passe dans un déluge élégant et extrêmement bien produit ! L’apport des deux musiciens est identifiable, mais leur symbiose est impeccable. Dans l’ensemble, Vibert reste dans la lignée de son dernier album, Tally Ho, tandis que Cole se fait plaisir en jouant sur tous les registres de la guitare électrique ou acoustique. De plus, le duo est accompagné de musiciens (violons, basse, etc.) parfaits.
Les trois meilleurs morceaux sont certainement Swing lite, le bien nommé, sorte de BO de film de Woody Allen genre Radio days, doté d’un groove imparable et sans souci ; Start the panic, morceau de hip-hop baigné de voix fantomatiques de sirènes qui hululent comme personne depuis Yma Sumac ; et encore Cheng Phooey, qui ressemble au mix parfait entre le Robert Fripp de Discipline et Aphex Twin ! Après ça, si quelques morceaux restent du Vibert « classique » (la drum’n’bass nerveuse -typique de ses productions Plug- de Nice cave, Watery glass planet ou Baby steps), l’influence majeure du disque est l’exotica des maîtres tels Arthur Lyman ou Martin Denny. Fly Hawaï et Songs of the night life portent fièrement les couleurs de cette musique oubliée et fascinante, à l’usage des gens qui savent encore se détendre et jouir de plaisirs en plastoc. Et, comme on sait, l’exotica peut aussi être chargée d’une bonne dose d’angoisse : ainsi, Dischordzilla est un morceau de lounge aquatique, noyé d’orgues massifs, qui, en sus de son titre, ferait bonne impression chez Buckethead, autre nostalgique et prodige de la guitare. Hipalong hop est un ovni : imaginez un tube de M.A.R.R.S. recouvert d’un banjo enjoué, et partez en vacances avec ce seul morceau ! Enfin, le disque se termine avec un morceau de jazz destiné aux dance floors des 40’s : Jump up !
En bref, ce disque est un pur bonheur de télescopage des musiques, fondues en une seule, incroyable d’inventivité et d’enthousiasme, de bonne humeur, de mystère et de charme. Comme le dit David Toop, il n’y a peut-être pas eu de collaboration si réussie et si naturelle depuis le début des années soixante-dix. Un disque libre, c’est rare. Faites-vous plaisir, achetez-vous une chemise hawaïenne et écoutez ce disque en boucle !