Si d’aventure David Toop se mettait à envisager un deuxième volume de son ouvrage Ocean Of Sound, il aurait définitivement intérêt à se pencher sur la musique que façonnent depuis presque une décennie Alan Sparhawk, Mimi Parker et Zak Sally. Cette musique environnante demande de l’attention. On n’entre pas dans les disques de Low comme dans un moulin, on n’y accède pas en touriste, on n’y flâne pas : on s’y perd. Que ce groupe ait attendu son septième album pour proposer ce qui selon leur alchimie très particulière de la lenteur, de l’espace et de la langueur peut désormais s’assimiler à une véritable pop-song (un morceau de bravoure intitulé Dinosaur Act, disponible en single depuis des mois) n’étant pas le moindre des paradoxes. Car ce qui fait des disques et surtout des concerts de Low des moments définitivement au-dessus du quotidien c’est leurs recours à l’étirement du temps, à la durée. Le couple Parker-Sparhawk sont des genres de mormons, les voix semblent avoir été façonnées dans des églises, comment expliquer autrement cette proximité du sacré à leur écoute ?
Lorsqu’au début de Whore, on comprend : »You will get your reward, what is that whore you’re living for? is it so wrong to think there’s more? » (« Tu auras ta récompense, quelle est cette pute pour laquelle tu vis ? Qu’y a-t-il de mal à envisager plus ? »), on se dit que les paroles, crues et prosaïques, n’ont pourtant rien à voir avec cette impression de sacré. L’impression de partager un moment authentique et intense, voilà ce qui a changé de manière presque imperceptible depuis leur précédent album Secret name, grâce à l’aisance phénoménale dont a fait preuve Steve Albini pour mettre en son l’incroyable densité des prestations live de Low. Des instants qui demandent beaucoup d’attention, de concentration (de par le faible volume sonore) et un minimum d’abandon. Lorsqu’à l’issue de l’album, une simple ballade, In metal, évolue vers un tour de force où se croisent Galaxie 500, Bedhead et Cocteau Twins, il est demandé de tendre l’oreille, de se surprendre à entendre ces sons de nouveau-né, de réécouter enfin l’ensemble un casque sur les oreilles afin de traquer ces petits rajouts sonores de rien du tout, avant de s’immerger totalement dans ce Things we lost in the fire définitif.
Aux environs de Duluth, Minnesota, les voix de l’éther sont un chant très triste, forcément magnifique, désormais audible par tous. Au prix de l’attention et du dévouement à ce groupe définitivement supérieur.