Julie est native du Sud-Ouest (Sarlat). Elle vit à New York depuis plus d’un an. Et enregistre chez elle, avec pour compagnon un magnétophone quatre pistes devenu récemment huit pistes. Une boîte à rythme éculée ainsi qu’une guitare, parfois sauvage, l’accompagnent également. Le chant est anglais, simple et précis, parfois éthéré. Un poney, ressemblant probablement à ceux des jouets pour les filles des années 80, référence évidente à son propre label, Pony Tail Records, est dessiné, posant en noir et blanc sur du papier millimétré dont on n’avait plus vu cette bienfaitrice couleur ocre quadrillée depuis la classe de quatrième. Tel est l’univers de Lispector, en référence à un écrivain brésilien, Clarisse de son prénom. Et celui de ce premier album de musique de chambre new-yorkaise, quoique la plupart de ces morceaux datent d’une époque émaillée d’études artistiques, entre Bordeaux et Toulouse.
Instantanés et sans fard, ces quatorze morceaux choisis parmi des centaines d’autres, dixit la légende, offrent une vision touchante de tout ce qui traverse l’esprit d’une jeune fille exilée, d’Octobre 1917 aux couvertures électriques en passant par Debbie Harry, les machines nippones ou la complexité des rapports entre filles et garçons. Mélodiquement inspiré, Genius est vraiment génial, et tout l’album évoque la rencontre du chanteur bordelais Kim et de Catpower. Elle retient du premier cette poésie pop et ce sens des ritournelles qui auraient pu aussi bien sombrer dans l’inanité ou l’ineptie, si elles n’avaient été secondées par une voix caractéristique, par ailleurs assez neutre, et de Chan Marshall elle évoque le même goût des caprices (Coffee machine). La deuxième partie de l’album est plus hétérogène que les premiers titres, laissant entrevoir certaines limites inhérentes au home-recording, dont un presque hilarant Secret special plan. Cela étant, la personnalité ubuesque de Lispector nous fait oublier ces légers tracas sonores. La suite est attendue avec grande impatience…