Un tour d’horizon du côté de la musique brésilienne. Lénine est l’un des génies penseurs de la nouvelle vague urbaine (« mangue beat » comme on les surnomme), qui se réclame du tropicalisme des années 60/70, tout en se positionnant comme l’alternative obligée d’une scène nationale qui mue au rythme du monde. Leur credo : rester résolument contemporain en créant une musique populaire (MPB) où se juxtaposent les réalités d’hier à celles du monde à venir. Leur maître à penser était Chico Science, un merveilleux compositeur. Il est mort il y a deux ans. Remarqué lors de son dernier passage parisien à la Cité de la Musique aux côtés de son compatriote Caetano Veloso, Lénine signe là son troisième opus.
La logique est implacable. Patrimoine d’hier et audace d’aujourd’hui se confondent. O dia em que faremos contato met en valeur le « maracatu », issu du rituel carnavalesque, sur fond d’influences pop recyclées. Né à Récife dans le Nordeste, formé à l’école du rock progressif, auteur de sketches façon « guignols de l’info », avant qu’il ne se consacre entièrement à ses compositions, Lénine en appelle ici à la magie des sons électroniques, joue les messies (« L’odyssée de la Création / l’Odyssée de l’homme / Les marteaux fébriles du Dieu de la guerre marquent le temps de mes sextines »), sample les Fabulous Trobadors français, accumule les références, de Kubrick à Moebius, en passant par Salif Keïta et Björk…
Ne recherchez surtout pas l’erreur. Il n’y en a pas. Lénine est un excellent architecte. Pour réussir à construire ses schémas sonores, il se nourrit de tout ce qui lui donne l’impression de véhiculer un discours réfléchi et moderne. Une tendance qui s’affirme tout au long de ces 14 titres. L’animal carbure à la douceur feinte. Sa voix aérienne fausse l’appréciation. Un bel album qui rappelle, sur une sensibilité légèrement différente, Chico Cesar et Fernada Abreu, avec qui il a déjà co-écrit quelques titres à succès au Brésil, dont le fameux tube Rio 40°.