LEM est l’un des secrets les mieux gardés (malheureusement) de la scène bruxelloise. Alors qu’il sort son second album, Soulstreet, on ne peut que se désoler du fait que ce projet, mené par Nicolas Ekla (ex-Brochettes et Ming), ne bénéficie pas d’une exposition à la hauteur des chansons présentes sur cette seconde livraison en forme d’essai transformé.
Résolument eighties, le son de LEM, se situerait, pour faire vite, entre l’electro-pop d’Elli Jacno (dont il reprend, ici, Boomerang, un morceau un peu atypique dans le répertoire du plus beau duo franco-synthétique de ces années) et l’esthétique minimale du Dominique A de La Fossette (œuvre séminale qui n’en finit plus d’être convoquée, jusque sur le dernier opus du Sieur Ané !). On pourra également trouver des traces du nihilisme pop de Taxi Girl sur des titres comme Si jeune et inutile dont le texte sent le jeune Daniel Darc à plein naseaux (Si jeune et inutile / Je sais je ne sers à rien / Et je m’en fous de la ville / Je veux juste te prendre par la main / Nous rentrerons tard le soir / Ou très tôt le matin / Rien dans les poches / Rien dans les mains…) ou la noirceur des Stranglers ou de Jean-Jacques Burnel sur Entre 79 et 82 qui annone froidement le décompte de cette période (Seventy-nine… Eighty… Eighty-one… Eighty-two…) pour seul propos…
Pour autant, il ne faudrait pas réduire Soulstreet à un adroit exercice de style néo-new wave à la sauce francophone. Les chansons échappent au piège de la nostalgie par une sorte d’évidence mélodique intemporelle. Et puis, aussi, LEM convoque des fantômes d’un autre époque, plus littéraire, comme sur A propos des fleurs, cette adaptation de « Ce qu’on dit au poète à propos de fleurs », soit un texte plutôt codé, signé du pseudo d’Alcide Bava, par un Arthur Rimbaud en embuscade, qui voulait bousculer le poète Théodore De Banville en parodiant son style sur un mode passablement ironique.
Dans les autres réussites de Soulstreet, on mentionnera L’amour passe au dessus de moi où LEM développe au mieux son style vocal de type androgyne et distancié (rappelant parfois les cultissimes belges Angel/Maimone) ainsi que Les avions, une version revisitée à la sauce Felix Kubin, d’un vieux titre de son ancien groupe, Les Brochettes : visionsqu’on jurerait prophétiques d’attentats aéronautiques (Méfiez-vous des avions / Ils sont faits de métal / Et de pierres coupantes / Les avions / N’ont pas le sourire au museau (…) Quand ça leur chante / Ils s’écrasent contre les buildings / Méfiez-vous des avions). En cette période de l’année sujette aux bonnes résolutions, il conviendrait de se mettre à fêter LEM et tous lui dire qu’on l’aime !