Encore le genre de disque où la critique va s’avérer malaisée. Groupe archi-attendu, consacré avant l’heure ; album archi-attendu, consacré avant d’être sorti, difficile d’ouvrir sa gueule avec ça, surtout pour dire que le chef-d’œuvre n’est pas au rendez-vous, loin s’en faut. Attention, Neil Barnes et Paul Daley n’ont pas pondu un album de merde, mais bon, ce n’est pas le Nirvana quand même. On aura parlé pour Leftfield de techno aride, de musique difficile, de jungle sonore difficilement pénétrable. On entend surtout de la techno, ok, mais qui a du mal à passer la surmultipliée et ne réinvente pas le Schmilblick. On se laisse bien prendre aux langourances reggae-dub de Chant of a poor man, mais Dusted, pourtant une collaboration avec le généralement très inspiré Roots Manuva, ne dépoussière pas les oreilles pour autant.
El Cid comporte bien deux ou trois idées de mise en scène sonore, une ambiance particulière, entre tension et déliquescence, parcourt bien le morceau, mais on a du mal à s’emballer. Alors oui, Afrika shox, composé avec Afrika Bambaataa, qui a également prêté sa voix, est plutôt du style imparable : beat martial, l’electro envahit la piste et vous pousse au cul, le break classique qui tue, mais on se demande toujours ce qui, là-dedans, force l’admiration de la critique -et du public faut-il croire- : ce n’est après tout qu’une très efficace machine à danser.
En termes d’idées, on n’ira pas établir de comparaisons avec les inévitables Chemical Brothers, Underworld et autres Fatboy Slim. Ce n’est pas de ce côté qu’il faut aller gratter pour trouver les mérites du duo, mais plutôt côté manettes. Il est vrai que Daley et Barnes sont des experts tout-terrain du mix, et le son qu’ils produisent est identifiant, un peu comme une marque. C’est important. Opaque, compact, le son Leftfield peut s’avérer princier, mais seulement lorsqu’il est mis au service d’idées novatrices. Or, ici, c’est rarement le cas -on sortira pourtant du lot un remarquable Swords, tout en conduits souterrains, mais diablement bien reliés les uns aux autres.
On n’a jamais demandé à une musique de s’offrir en une ou deux écoutes, mais sur Rhythm and stealth, l’auditeur, également difficile, gratte, gratte, et se retrouve un peu avec une peau de chagrin entre les oreilles. C’est agaçant, tout de même.