Après un premier album culte, qui s’inscrivait dans la lignée des grands travaux riot grrls de Bikini Kills, Lung Leg ou Huggy Bear, Le Tigre perpétue le « gender punk » des mid-90’s, revendiquant féminisme et lesbianisme, intransigeance punk et exigence pop. Distribuées en Europe par les Chicks On Speed, les new-yorkaises Kathleen Hanna (ex-chanteuse de Bikini Kills), Johanna Fateman et J.D. Samson font le punk-rock le plus spontané et énergique qui soit : des beats secs et synthétiques, comme du Chix cheap, des guitares électriques saturées plaquant trois accords, des filles qui crient, entre cour de lycée hargneuse et Shangri-las mordantes. La musique du Tigre a l’urgence des Ramones et le pouvoir de conviction des politiques les plus endurcis.
Avec toute leur naïveté révolutionnaire et leur véhément discours « Do It Yourself », les filles du Tigre semblent droit sorties d’un passé qu’on a tendance à oublier un peu vite, alors que son énergie et son enthousiasme devraient être plus que jamais d’actualité (Kant expliquait que « l’enthousiasme » avait été la principale caractéristique de la Révolution Française). Dénonçant cinquante années de ridicule (« fifty years of ridicule », F.Y.R), elles enjoignent les féministes endormies à se réveiller, que la lutte n’est pas finie. Dyke march 2001 rend ainsi compte d’une manif féministe, scandée par les « Resist, resist », « We recruit, we recruit » véhéments.
Lo-fi punk, petits samples et synthés cheap, leur musique est tellement outdatée qu’elle en devient intemporelle. Entre hip-hop 80’s et basses ESG, Le Tigre sait aussi insuffler du groove dans son punk. Des Chicks On Speed, Le Tigre a ces points communs de parler-chanter certaines phrases, pour mieux faire monter le refrain en cri de guerre, et aussi de parler avec distance d’art contemporain, de commerce et de politique. Au final, Feminists sweepstakes est un disque enthousiaste et enthousiasmant, sincère et forcément aimable en tant que tel. La sincérité est chose si rare dans l’industrie musicale ces temps-ci…