Un festival, ça bouge, ça vit, ça respire. Petite plongée à Lorient, parmi les spectateurs de la Route du rock, et tentative de décryptage des us et coutumes de chacun.
Les acteurs du festival de la Route du rock forment une grande famille -très grande, même, puisque cette année les organisateurs ont dû faire face à une affluence record, avec plus de 20 000 personnes sur trois jours. Une famille faite de cercles concentriques où on se connaît et se reconnaît, où on se jette des coups d’oeil complices d’initiés, comme s’il s’agissait d’une confrérie soudée et privilégiée. Le plus large de ces groupes, on le reconnaît immanquablement au bracelet en plastique de couleur vive que portent les campeurs du Fort de St-Père : signe de ralliement qui permet de repérer le routard perdu sur les remparts de Saint-Malo, dans une crêperie de Saint-Briac ou sur n’importe quelle plage -le bracelet est inamovible. Deuxième famille, plus restreinte mais peut-être encore plus solidaire : les parisiens. Tout le milieu indie de Paris se donne rendez-vous à Saint-Malo pour le week-end du 15 août. A croire qu’ils sont majoritaires, ces foutus parigots ; à croire aussi que tout le monde y connaît tout le monde, du moins de vue. Ces trois petites nanas qui hantent chaque vendredi la seule boîte indé de la capitale, ce clône de Brett (comprendre : Brett Anderson, chanteur de Suede) qui ne rate aucune Black Session sur France Inter, et j’en passe…. Troisième cercle, ceux qui gravitent autour des innombrables fanzines et autres fan-clubs. Parce que si les stands « merchandising » étaient limités, voire réduits à leur plus simple expression, de nombreuses tables étaient occupées par ces apprentis journalistes qui rêvent d’écrire dans les Inrocks -et bientôt dans Tête de l’Art : le fanzine généraliste Crème Anglaise, Tournicoti (essentiellement consacré à Pulp), Moving (Suede), Antidote (Placebo) ou encore Etoile Polaire (Björk et Gusgus). Enfin, le centre, notre père, LA personne qui fédère tout ce beau monde : Bernard Lenoir, l’animateur fétiche de France Inter, venu ici « en vrai touriste ». Impossible de le voir se promener seul au « bar VIP »: tout le monde le reconnaît, avec sa belle gueule bronzée de marin biarrot, et c’est très vite une vingtaine de fans qui l’entourent et le harcèlent de questions, le plus souvent sur ses impressions concernant le festival ou l’avenir de son émission. C’est ça aussi d’être une star…
Stéphane Buron