Autant le dire sans ambages, ce deuxième album de L’Altra, le premier à bénéficier d’une distribution digne de ce nom en France, est l’un des rares chefs-d’oeuvre de ce premier semestre 2002. Ken Dyber, estimable patron d’Aesthetics, a ici recadré ses troupes sur ce disque onirique et nostalgique. Délaissant quelque peu les magnifiques dérives post-rock de Music of a sinking occasion, le quatuor de Chicago évolue vers des arrangements et des textures encore plus raffinées, qui peuvent rappeler le meilleur de The Sea & Cake ou de Hood, deux des influences fondatrices du groupe formé en 1997.
Les émotions sont toujours grandes, cristallisées autour de mélodies limpides qui révèlent une maturité évidente de compositions, parfois quasiment pop. L’Altra joue ici dans la cour des grands. Les cordes et les arrangements électroniques de Marc Hellner, de Pulseprogramming, donnent de l’ampleur à des compositions très abouties et savamment produites au Acme Studio de Chicago. Black arrow constitue sans nul doute le joyau de cet album, délicieusement chanté par Lindsay Anderson (aperçue récemment au clavier chez Will Oldham), qui s’impose ici comme l’élément de charme de L’Altra. Elle apporte en effet un souffle à la fois de légèreté et d’insouciance à une musique parfois trop belle ou trop lisse pour séduire. C’est encore elle qui donne toute la cohérence de cet album, long et bon, qui marque également le départ de Ken Dyber qui s’occupera désormais totalement du label Aesthetics, véritable fleuron de Chicago.
Volontiers pastoral (avec les photos de coquelicot de la pochette), In the afternoon constitue à coup sûr un album de printemps, un disque qui s’écoute dans le vieux break Volvo, lorsqu’on sort des villes pour aller à la mer ou à la campagne. Il exprime aussi bien une nostalgie improbable d’un âge d’or que l’on n’a pas connu ou la plénitude d’une époque dont on se souviendra avec bonheur dans quelques années. Incitant tout à la fois au voyage et à la contemplation, L’Altra poursuit son chemin, à l’écart des mouvances du rock indé américain spectaculaire. Chacune des dix chansons offre une émouvante balade, aussi cinématographique que musicale, à travers les jardins de nos passés. Superbe !