Troisième album de Laïka (après Silver apples of the moon et Sound of the satellites) et toujours la même formule qui s’appuie sur la batterie costaude de Ciccotelli (ex-God et récemment membre clé de Eardrum), les murmures (parfois) sensuels de Margaret plus flûtes et trompettes… Ajoutez les maltraitances diverses de Guy Fixsen, la basse léonine de John Frenett. Sonnez krautrock, jazz et musiques de films dans un grand chaudron. Dix titres extrêmement bien produits mais malheureusement pas très différents des précédents disques (au même titre que la mascotte Laïka, présente sur la pochette -la première chienne dans l’espace !).
Points d’orgue du disque : T.Street, qu’on croirait sorti d’un studio techno berlinois, Uneasy qui plane dans la stratosphère autrefois hantée par Manuel Gottsching ou plus récemment µ-Ziq : magnifique ! Et aussi le long Knowing to little qui rappelle les meilleurs moments du jazz rock (la guitare, notamment est mac-laughlinienne en diable). Bien sûr, l’influence de Can (faut-il le préciser ?) période Tago Mago est flagrante, même si sur Glory cloud, par exemple, le chant ressemble beaucoup à celui de Madonna… Y porque no ? D’ailleurs, au-delà des couches multiples de samples, c’est surtout le chant de Margaret Fiedler qui intrigue et fascine. Les paroles ont l’air tordues comme un scénario de Daniel Clowes, les lignes de chant coulent comme un instrument de plus, mais plus effrayant que groovy et en tout cas plus sexy que celui de Tricky, pourtant très fort dans le registre du murmure menaçant. Plus légers que ceux de Moonshake, moins organiques que ceux d’Eardrum ou God, les disques de Laïka flottent : ni rock, ni électronique, ni jazz mais un peu de tout ça ensemble. Même les titres les plus « classiques » (Black cat bone ou Mocassin, par exemple) restent d’une grande profondeur. Ecouter Laïka d’une oreille, c’est mal comprendre son chien. Si Good looking blues vous fait penser à du Squarepusher, il pourrait évoquer Evan Parker à votre voisin. Et jamais de virtuosité mal placée : bien sûr que Widows c’est du Miles Davis et alors ? Va savoir si Go fish est une référence au film du même nom, mais la présence de deux voix féminines pourrait le laisser penser. Dernier clin d’œil : Badtimes qui raconte l’histoire d’un virus informatique ultra-puissant et des dégâts qu’il occasionne : jouissif et drôle pour tous les esclaves digitaux que nous sommes !
Construit autour de quatre morceaux live, et accompagné par des amis de longue date tels que Rob Ellis (PJ Harvey), Matt Barge (Spleen), le DJ Danny Doyle et la flûtiste Louise Elliott, Good looking blues est un très bon disque de Laïka. Pas révolutionnaire, mais plaisant et délicat. Peut-être le seul groupe encore intéressant de Too Pure, d’ailleurs. Que sont les Faith’ Healers devenus ? Allez, ce blues-là a bonne allure.