Ladytron est le groupe tendance du moment, le groupe postmoderne et sympa qui recycle joyeusement le meilleur de l’electro 80-90’s pour une pop synthétique fraîche et spontanée. Leur premier album, 604, se laisse écouter comme une madeleine de Proust novö réactualisée par des beats dance très contemporains. Nappes de Moog et de Korg, bass-lines percutantes, vocoder, tout y est, entre Cosmodrome et Les Rythmes Digitales, Mantronix et Walter Carlos ici en versions féminisées. Mais Ladytron ne saurait être réduit à une efficace et opportuniste production. Ladytron sait aussi écrire des chansons.
En témoignent Discotraxx, The Way that I found you, Play girl ou He took her to a movie, qui les rapprochent plus de Broadcast ou même des groupes Heavenly de la fin des années 80, ces évidences pop hyper-stylisées, ici remodelées par la chirurgie esthétique de synthétiseurs vintage et du séquençage automatique. En résultent des tubes immédiats, des « singles of the week », simples et funky, sans réelle recherche, sinon celle du bon goût et de la simplicité. Il y a quelque chose de punk dans cette manière de jouer avec les références sans a priori, avec fraîcheur, juvénilité et efficacité. Dans l’utilisation de gimmicks ultra-connotés, Ladytron est un groupe naïf, mais de cette naïveté qui les fait accoucher en toute simplicité de classiques instantanés.
Les petites phrases de synthés répétitives de He took her to a movie ont tout du gimmick sixties, à la 96 tears, agrémenté d’une basse ronde, de riffs de guitares discrets et rythmiques, le tout chanté par deux voix impersonnelles comme des mannequins kraftwerkiens, entre deux ponts mélodiques aux synthés. « There’s nothing on TV / He took her to a movie », récités par les deux chanteuses d’une voix monocorde, font de cette chanson un classique de l’ennui post-2000, cet ennui que l’on ne saurait voir, celui qu’on épice et travestit de souvenirs décatis comme de vieux costumes gris. Ainsi, Ladytron investit la musique électronique moribonde de ce début de siècle d’une touche pop et premier degré incroyablement rafraîchissante. Pures mélodies sur froide P.machinery, les 18 titres de 604 sont un bonheur d’Europop.
Entre Maria Magdanela de Sandra et Atomic de Blondie, les morceaux de ce premier album de Ladytron sont autant d’hybrides musicaux nés de notre mémoire musicale, calibrés malgré eux pour les charts, et trop pointus pour jamais y accéder. Un bonheur sucré-salé pour les soirées underground.