On ne répétera pas que la Marmite infernale, rugissant big band où se retrouve tout ou presque de ce que l’Association à la Recherche d’un Folkore Imaginaire compte de talents, est décidément l’une des grandes formations les plus créatives de la scène européenne : la quinzaine de musiciens qui y expérimente la liberté en ordre de marche et le collectivisme efficace (ce n’est pas rien) va finir par être gênée. Après Gloire à nos héros et le justement titré Boum !, son quatrième album reprend l’usage du point d’exclamation et part à la quête de quelques bruits d’hier pas tout à fait disparus mais largement étouffés sous le crépitement des claviers, le ronronnement des carcasses informatiques et la propreté feutrée des moquettes dans les immeubles de bureaux. La Marmite, pourtant, sait « le temps où les hauts-fourneaux crachaient leurs lourdes fumées, où les trains de laminoirs s’emparaient des coulées de fer ou d’acier en fusion, où les marteaux-pilons réduisaient les lingots de métal en menue tôlerie » (Jean Méreu) : une poésie émane certainement de ce temps des usines et du minerai, des cités ouvrières et des coups de grisou. Au Charbon ! s’essaye, sinon à la capter, tout au moins à l’évoquer dans un répertoire de neuf compositions dont les titres, comme des images instantanées, reflètent les mots-clefs de l’univers industriel (« Les Canuts des pentes », « Le Café de la Roche » ou, bien sûr, l’impayable « Accélère un peu, tu vas caler »). Les projets de la Marmite, comme d’ailleurs ceux de tous les satellites de l’Association lyonnaise, se déploient chaque fois dans un monde imaginaire et poétique qui, à tout prendre, compte (presque) autant que la musique elle-même : textes, graphisme, noms, titres, dessins ou typographie participent également de cette force d’évocation, doublant ou prolongeant les impressions laissées par le disque. On y retrouve, comme à chaque fois, cet inimitable mélange de rigueur et d’anarchie, les arrangements ménageant chaque fois une large place à des solistes trublions capables de taquiner la machine sans la gripper ; vive et variée, franches et expressives, les neuf compositions (enregistrées en public) sont autant de variations réussies et originales sur un thème que rappellent aussi bien l’écriture elle-même (tentations machiniques, accélérations ferroviaires) que l’environnement sonore (Xavier Garcia est venu avec tous ses samples). Lancée à plein régime, La Marmite reste décidément sans égale.
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