Ca va mieux, non ? commence par la techno ringarde et les spoken-words de Look I’m dancing, qui rappellera aux vieillards de l’indie-pop le Tie-break for Bandini de Diabologum, comme passage de témoin proto-situ idéal pour aborder La Fresto, nouvelle signature du label Lithium. La suite oscille entre Jérôme Minière doté d’un sens de l’humour, Mendelson sans son envergure et Little Rabbits concernés : des textes parlés-chantés sur des instrus electro cheap. Pas de style à proprement parler dans ces descriptions à la première personne du quotidien d’une loose annoncée. Juste le ton neutre d’une voix fragile, énonçant sans décorum mais fatum un certain désenchantement. De la nécessité de s’exprimer, mal contemporain, et ses corollaires (starisation du sujet dans le cadre limité d’amitiés incertaines, spectacularisation du banal, auto-fiction éthylique), à la chute finale (Quatre années, une rupture consommée et joliment murmurée), on parcourt le chemin trop commun qui part du goût des autres pour aboutir au dégoût de soi (ou réciproquement, du goût de soi au dégoût des autres). De la description caustique de l’individu en milieu socialisé à sa lente disparition dans l’intimisme et son amertume, cette grandeur et décadence de La Fresto et de ses personnages, a un petit goût d’irréversibilité. Hors propos, Lithium avec ce disque que personne d’autre n’aurait osé sortir, pose la question : quelle forme adopter pour la chanson française en 2003 ? Habillés d’electro sans recherche, à seule fonction de napper un discours singulier, les textes sont a-musicaux (sans rimes ni métrique) et promeuvent sans tension une destruction mineure des codes et des harmonies préétablies. Ca ne va pas mieux après. Mais ce n’est peut-être pas plus mal. Sur le même label, on préfèrera quand même toujours Programme, caractère destructeur : « Le caractère destructeur vit avec le sentiment non pas que la vie vaut la peine d’être vécue mais que le suicide n’en vaut pas la peine. » (W. Benjamin, loué soit-il).
Ou alors Telefax, projet de Franck Valayer sur la nouvelle structure Dora Dorovitch, moins faussement loufoque dans sa présentation, plus clair dans la sublimation de sa névrose, mieux inspiré dans sa recherche musicale, et qui doit beaucoup à Programme, Expérience et Diabologum, évidemment (le même timbre de déclamation, la présence de Francisco Esteves, échappé un temps de l’Experience de Michel Cloup). Avec ses ambiances à la Berg Sans Nipple (cloches en boucles, belles batteries), ses inserts prévisibles electronica, et ses dialogues post-rock de basses profondes et guitares suspendues, Téléfax ressasse une certaine tendance de l’indépendant français, bien sûr, mais avec conviction. Ambiances opaques et textures acérées laissent échapper des textes précis, qui sollicitent attention. Pas de distance ni de second degré ici, Téléfax appartient plutôt à l’univers post-humain de Godspeed You ! Black Emperor ou cinématographique de Philippe Grandrieux. Lisse mais intempestive, sa musique entraîne adhésion et contemplation, même si l’esprit de sérieux rebute parfois. On a moins de choses à dire sur le disque de Téléfax que sur celui de La Fresto, et pourtant on réécoutera plutôt celui-là que celui-ci. Sans doute parce qu’on y décèle des choses encore à découvrir, quand on a l’impression, après une écoute, d’avoir fait le tour de La Fresto.