Cecilia Bartoli (mezzo-soprano), James Levine (piano)
C’est sans conteste LA mezzo de cette fin de siècle -et, sans aucun doute, de belles et nombreuses années à venir, n’en déplaise à ceux qui croient lui dénicher des rivales à peu près tous les six mois. La Bartoli règne sans partage sur un (large) répertoire, où s’illustrèrent autrefois de prestigieuses devancières, Berganza et Horne pour ne pas les citer. Ses Rossini et ses Mozart nous la révélèrent, au début de cette décennie, hallucinante pyrotechnicienne et artiste ineffable, et même si l’on déplore que tant de générosité, de tempérament et d’intelligence ne soient pas mis au profit d’entreprises plus audacieuses (à quand des intégrales à la hauteur de son talent ?), on ne peut, une fois encore, que fondre littéralement à l’écoute de ce dernier récital.
Après d’admirables chants français accompagnés par Chung, retour au pays natal, et à ces ritournelles évoquant, tour à tour, élégies amoureuses (L’abbandono, de Donizetti), traditions populaires (une Danza ébouriffante !) ou Risorgimento (L’esule). Rien de bien nouveau sous le soleil toscan, puisqu’un champ immense de la littérature des mélodies italiennes reste encore à déchiffrer. Rien de bien nouveau, donc,… sauf Bartoli, dont chacune des interprétations de ce disque est, littéralement, une recréation. Il faudrait dire combien tout est formidable, combien l’extraordinaire virtuosité n’a d’égal que l’esprit confondant de l’interprète… En totale complicité avec James Levine -on ne sait lequel des deux (trans)porte l’autre -, la mezzo italienne érige ces mélodies au rang d’art majeur. La succession au trône sera difficile, et les nombreuses prétendantes qui fleurissent ces temps-ci ont bien du pain sur la planche…