Après Huapanguera, La Calaca récidive avec un fort agréable florilège de musiques populaires du Mexique. Comme pour l’album de leurs premiers pas discographiques, les Mexicains de Toulouse ont puisé aux diverses sources traditionnelles de leur grand pays de quoi composer une sorte d’anthologie variée et remarquablement équilibrée, Tierra caliente, qui complète le panorama esquissé avec Huapanguera. La première difficulté, pour qui s’attaque à un répertoire mille fois pillé, souvent ridiculisé dans de pâles copies sentimentales ou trahi par des caricatures barbouillées en technicolor, est bien de restaurer leur fraîcheur native au bolero, à la habanera ou aux divers avatars régionaux du son. Le petit quatuor de cordes (violon, guitares et cousines : requinto, viuhela, guitarron), à peine augmenté d’un invité ici ou là, excelle à trouver le ton juste. Vivacité rythmique qui conserve aux formes qui le demandent leur rebond dansant, légèreté des couleurs, variété des voix et des styles, La Calaca tourne le dos aux menus indigestes et soûlants dont nous avons tous la mémoire. Les arrangements exploitent habilement les possibilités de l’instrumentation : La Gallina (son abajeño) avec l’alternance des voix et ses intermèdes instrumentaux, de très joies guirlandes de guitare et violon à l’unisson, illustre parfaitement le goût qui sous-tend l’approche des musiciens. Le bolero qui suit, Volveré a buscarte, avec sa sobriété vocale se situe aux antipodes des excès expressionnistes qui sont le lot commun ; de même les effets de yodel, de rires vocalisés ou de notes tenues dans l’aigu par lesquels se signale la tradition mexicaine se tiennent ici dans des limites qui lui restituent sa pleine musicalité (La Noche y tu). Selon les styles abordés, la violoniste modifie sa sonorité : rustique dans le huapango El Caiman elle peut se policer pour les voluptés plus urbaines de la valse Farolito. Cette plasticité reflète une parfaite clarté de propos et témoigne de la rigueur d’une démarche qui ne trouve pas pour autant utile de se parer d’arguments pesamment musicologiques. Le livret fournira tous les renseignements nécessaires sur les origines historiques et géographiques des musiques présentées. On s’étonnera pourtant de ne pas y trouver les textes des chansons. Le legs de la musique précolombienne encore perceptible dans certains styles régionaux (notamment du Chiapas et d’Oaxaca) est ici présent dans La Tortolita (son istmeño) pour lequel flûtes en roseau, tambour et caisse claire ont remplacé les guitares qui les ont supplantées, empreinte définitive de la colonisation espagnole. Le caractère apparemment enjoué de la plupart des pièces ne masque pas tout à fait le visage de la misère qu’il recouvre. Et de son actualité politique. Acteal, cancion d’un ton de plainte contenue interprétée avec pudeur et simplicité, est un bel hommage de Gerardo Gutiérrez Bernal au Chiapas qui mérite de passer à la postérité. Un hommage à la mesure de cet album tout en finesse, léger et profond.
Janick Massot (violon), Vidal Rojas (guitare, requinto, vihuela, quinta de golpe, voix), Panchito Knab (guitarron, flûte, voix), Gerardo Gutierrez Bernal (vihuela, flûte, perc, voix). + invités : Carlos Mancilla Gonzalez (guitare), La Petenera, El Huerfanito (voix), Willy Daussy Guillermo (perc).
Enregistré à Orgueil (Tarn et Garonne) en1999.