Une armée qui tire des trucs sur vous ! En quête de recherches sémantiques et de verves laborantines axées vers les démembrement de la lexicographie et la création d’une maison à faire pleurer les mots (dans tous les sens des termes « pleurer » et « mots »), les soldats de L’Armée Des 12 se sont barricadés dans un château half-track, évitant toute influence extérieure pour se concentrer sur les divers arts de rap-contact que l’être humain ait put créer jusqu’ici (si l’on exceptent les leçons extra-terrestres entreprises par Gaspard Mucho le neuropsychiatre). Pour vous donnez un exemple des leçons/consultations de Gaspard Mucho, on citera un bon petit extrait d’une de ses dernières émissions radiophoniques : « Espèce de bonobo blanc à tête carré, la malédiction de la femme à la figure de triphasée est en train de te forer les pignons. Tu sommeilles, tu dors profondément et tes rêves sont tes amis… Si tu penses trop à ta fausse femme teddy-bear et à ta retraite jaunie dans le bois de la Schwarzwald, tu n’auras incessamment plus de matière grise à revendre… ». Qu’il en soit ainsi !
Voici donc Cadavre exquis, galette enflée de punchlines à géométrie explosée et de productions taillée dans le suc le plus attirant de ce que le rap français ait pu pondre depuis des lustres. Pas moins que ça. Cette armée n’a pas de supérieur hiérarchique. Comprendre : personne ne fait la loi à l’intérieur de cette Armée là. En revanche, si vous essayez de vous immiscer dans le crâne d’un de leur membre ou de critiquer leur art oratoire, cette Armée particulière se met à tirer des trucs sur vous. Des trucs de fou. Des méthodes qui sont bien plus virulentes que des homicides volontaires impudiques ou des actes de barbaries démesurés. En qualité de producteur/rappeur de très haut acabit, Nikk Furie se place en très bonne position dans le classement des talents de l’année 2002 dans la catégorie hip-hop français déclassés. Ici, il défonce tout. A ses côtés, les Mc’s Teki Latex, Tido Berman et Cuizinier (aka TTC, auteurs il y a plusieurs mois du vénérable Ceci n’est pas un disque) dégainent leurs sentences avec brio, des sentences éclatées et morcelées à souhait, lancées tantôt à la mitraillette verbale, tantôt au pistolet à vocables ou à l’arc qui larguait des rimes (un arc emprunté au nan lubrique qui joue dans le bienfaisant court métrage expérimental Maïs malodorants et carottes avachies). Les phrasés sont chaloupés et souples, parfois percutants, les sons clairs se fusionnent à des samples clairvoyants, triturés de toute part par les mains expertes de Furie, la bouche engouée de Kila Kela et les coups de doigts tacticiens de Para one. Para One qui surprend d’ailleurs son monde sur Helium liquid, une des plus belles tranches extra-terrestres de l’album, ou Teki s’envole et mêle ses propos exaltés aux cordes vocales enflées du sieur Hi-Tekk. On notera également les très bonnes prestations de Saphir le Joallier, qui décoche quelques piquants sur les vibrations robustes du crew. Voilà donc L’Armée Des 12, une équipée en osmose minutieuse, se lançant quelquefois dans un son jiggy (Gin & jus) qui fera sursauter les dance-floors et qui attirera les lapines de vos ami(e)s.
Tous les membres qui composent cette Armée Des 12 font partie d’une des franges du rap français qui met brillamment en avant d’intenses frictions sémantiques et des monceaux de poésies voluptueuses, de la réflexion barrée et des coups de plafond au cerveau. Dépassant largement la simple rencontre entre les groupes respectifs d’origines (La Caution d’un côté et TTC de l’autre), le collectif se pose comme une formation bien à part, qui possède un univers spécifique, en constante élévation, un son qui ligature parfaitement la cervelle. Branchez vos piles à neurones, L’Armée Des 12 vient de réussir son débarquement sonique sur les plages de l’Hexagone.