Cinquième album en quatre ans pour la volubile Kimya. Avec Hidden vagenda (2004), l’ex-Moldy Peaches livrait sa plus belle collection de vignettes à ce jour. De salutaires collaborations -la fratrie Herman Düne, Regina Spektor, etc.- donnaient de l’ampleur à son songwriting, qui n’avait jamais autant ému. On ne pensait pas, par exemple, Kimya capable de composer requiem aussi terrassant que It’s been raining, dont la mélodie crève-cœur était rehaussée d’arrangements enfin à la hauteur de sa voix, l’une des plus singulières de l’anti-folk US.
Cette fois, le casting est plus resserré, et la tenue de l’ensemble s’en ressent : rien ici n’atteint les cimes du précédent opus. Pour autant, qu’on ne s’y trompe pas, Remember that I love you reste une oeuvre très amicale, a mi-chemin entre « potes-cast » et album de famille. La bande d’amis anti-folkeux, quoique moins volumineuse que par le passé, est toujours aussi bienveillante. Cette fois, elle enrobe le présent d’un paquet certes un peu cheap, mais paré de fils mélodiques du plus bel effet (sifflotements, glockenspiel, ukulélé, choeurs). Surtout, amis et parents inondent en cascade les paroles du disque. De toute sa discographie, ce disque semble le plus altruiste : il n’a jamais autant été question d’aimer son prochain, qu’il soit proche donc (My mom) ou plus éloigné (12/26, belle chanson sur le tsunami). De la proximité à l’absence, il n’y a qu’un (tré-)pas, et une ombre morbide plane encore, et plus que jamais, sur le sourire fragile de la conteuse (Undergound).
Tout cela pourrait puer le pathos, sans cette absence totale de cynisme et de calcul qui sauve l’ensemble. Parmi ses chansons préférées, qu’elle interprète sur My rollercoaster, Kymia mêle Metallica, Willie Nelson et Sheryl Crow… Intégrale, sa transparence n’a rien d’obscène (France, ou comment rendre le Pop In à sa raison sociale première -un lieu de rencontre lambda, loin de tout vernis branché). Chez Dawson, prête à se » tatouer des instructions sur le cul « , la confession musicale semble prolonger, en notes, les contours d’une personnalité excessive, débordante d’émotions et de sentiments contradictoires (« I got good at feeling bad, and that’s why I’m still here »).
Ce trop-plein est d’ailleurs la principale limite du disque. Malgré de très jolies comptines (Tire swing, France), la logorrhée intimiste, très promptement débitée, finit par lasser. On pense au folk monocorde de Jeffrey Lewis (qui signe ici l’artwork) : même sincérité désarmante, même vocation innée de storyteller, même modestie lo-fi qui confine, parfois, à la puérilité. Une ingénuité qui jure avec l’affectation de plus en plus affirmée de l’ex-compère Adam Green. Si ce dernier gagnerait à se souvenir de ce qui fit le charme de leur groupe (tendresse, impudeur, simplicité), Kymia, elle, ferait bien de s’en affranchir davantage.