Kimya Dawson est connue pour avoir été l’homologue féminine d’Adam Green dans les Moldy Peaches et l’auteur de plusieurs albums solos, dont Hidden Vagenda, encensé par la critique, sur le label K Records en 2004. Elle a trouvé un succès inespéré avec la B.O. du film Juno, gros carton aux Etats-Unis après la sortie du film ; elle a aussi joué avec Herman Dune, Coming Soon ou les Tiny Masters Of Today. Désormais petite mère de l’Antifolk, elle revient avec un nouvel album matriarcal, et avec un groupe comme une famille. Tous frères et soeurs dans le petit monde de Kimya, petite femme forte en survête et piercings, dans une maison qu’on imagine de campagne, mariée à un Ange, elle qui a montré son ventre rond sur son MySpace pendant toute sa grossesse, partage son bonheur d’être une jeune maman sur ce nouvel Alphabutt. Les gazouillis du bébé (qui s’appelle Panda) accompagnent chaque chanson, comme les amis de passage, les voisins, les friends. Kimya fait de la folk, au sens fort, de la musique pour les gens, qui raconte la vie des gens. La vie qu’elle raconte est la sienne, au quotidien, comme mère de famille, en un documentaire musical, journal intime chanté au jour le jour, aux instrumentations simples : guitares, chœurs (d’enfants, du bébé, du papa, des amis), percussions (de fortune : des casseroles, ce qui traîne dans la pièce ou dans le jardin, on ne sait pas trop).
Les chansons parlent donc de la vie du petit Panda : des couches culottes (Kimya explique, sur son MySpace toujours, comment les couches naturelles et lavables sont plus écologiques que les couches jetables), des repas du bébé, du sommeil du bébé, des visites au parc du bébé, du pipi dans le pot ; le tout chanté à la manière habituelle de Kimya, petites litanies répétitives d’une voix douces, entre berceuses à la Moondog ou Carter Family-Bob Dylan un peu freak, mais avec beaucoup d’amour et de pudeur. Car loin d’un exhibitionnisme malsain, l’entreprise de mettre sa vie en musique s’inscrit logiquement et naturellement dans le songwriting folk de Kimya, qui racontait jusqu’alors sa vie en tournée, ses amis, ses rencontres, ses déceptions. On est heureux avec elle de voir qu’elle a trouvé le bonheur. Pour finir, ce disque revendique l’animalité (une chanson s’intitule We are all animals) et le besoin de se reproduire comme une part essentielle du genre humain (la dernière chanson de l’album parle aussi de planter des graines pour faire pousser des haricots et s’inscrit fortement dans une tradition folk rurale américaine) et on pourrait le voir comme le pendant exact, l’inverse théorique parfait de l’album de Mr Oizo, Lambs anger – dont on parle dans Chronic’art #51 (entretien-fleuve avec Mr Oizo / Quentin Dupieux), en kiosque vendredi 5 décembre 2008 -, qui dénonce justement avec une certaine violence (nihilisme ?) cette part animale (« Cessez de vous reproduire », « Vous êtes des animaux, vous allez crever »). Et même si le discours de Oizo est plus compliqué (tordu) que ça, ces deux disques ressemblent un peu aujourd’hui aux deux faces d’une même médaille. Presque à deux choix métaphysiques.