Ca y est, c’est définitif, le plunderphonisme est à la mode ! Ce « genre » militant, basé sur le recyclage de musiques préexistantes qu’il utilise comme matière première en défiant toutes les lois sur le copyright, semblait pourtant, par sa forme même et son caractère illicite, immunisé de toute récupération. C’est mal connaître l’Industrie musicale, gloutonne et beaucoup moins regardante sur l’origine des deniers qu’elle génère que ceux qui défendent ses privilèges… Initié surtout par le génial John Oswald, pérennisé par les activistes Negativland, People Like Us ou Stock, Hausen & Walkman, le plunderphonisme jugeait les lois préservant les droits d’auteurs et la propriété intellectuelle désuètes et dépassées, dans un monde où la saturation informationnelle fait que les artefacts de la pop culture de masse appartiennent forcément un peu à tout le monde. Alors, aujourd’hui que Soulwax cartonne, que Mirwais et Madonna s’auto bootleg-ise, est-on arrivé à l’Eden rêvé d’Oswald ? Gageons que le leurre sera de courte durée et que les artistes dépecés y trouveront leur compte. Les associations toutes puissantes et Metallica veillent. Heureusement, pendant que certains amassent l’argent, d’autres, comme V/VM, Diskono, Vomit Lunchs ou Evil Moisture continuent à vomir sur la pop culture et à mettre les tripes à l’air des plus basses inclinations des hit-parades.
Il y a aussi KID 606, ex-teenager déchaîné propulsé star de l’underground électronique US, qui injecte depuis toujours une bonne dose de trash culture et d’attitude à ses cocktails digitaux. Pour se la jouer ou par vrai sens du sabotage ? Par sens inné de la coolitude ou pour se mettre réellement en danger ? L’histoire parlera, mais en attendant, l’ambiguïté est intéressante. Cet Action packed mentallist… qui sort sur Violent Turd, sous label faussement illégal de son Tigerbeat6, est presque entièrement consacré au recyclage de matières pop pas très reluisantes : tubes dance crachous, et R&B dégoulinantes comme autant de soundfiles défectueux passé dans les circuits imprimés d’un Powerbook bariolé « Two fingers in the air, anarchy style ».
Big Jim serial killa de l’electro, Kid 606 imbrique d’abord vocalises black, vieillerie d’Aphex Twin et Banarama sur Kiddy needs a new pair of laptops. Puis il revient forcément à Missy Elliott et Timbaland qu’il propulse façon white label jungle circa Londres 1996 avant de mettre en boucle un séminal « Copy me, don’t copy me » miaulé par la chantre du R&B syncopé et de rappeler à l’ordre, comme une évidence, ce bon vieil Eminem. Il rend aussi un touchant hommage à Kathleen Hanna et electronise encore un peu plus l’artcore militant de Bikini Kill/Le Tigre sur Rebel girl, ou à l’inverse sature et étire la petite Kylie qui n’a pas besoin de ça pour être hype chez les binoclards fans de son petit cul microscopique. Enfin il appose crûment l’abominable Creep d’un Radiohead adolescent chanté a cappella et sous la douche par un obscurs boys band à des crashes saturés de disque dur. Rien à redire, ce prêt à l’emploi plunderphonique sale, drôle, jouissif et complètement crétin, remplit tout à fait ce qu’on nous promet sur l’emballage. A savoir qu’il incarne un Soulwax réellement underground, juvénile, et complètement inutile. Mais comme dirait V/VM, en français dans le texte, « c’est si bon »…