Découvert à la fin du mois d’août 2001 lors d’un éblouissant showcase acoustique au magasin All Ears, à Bloomington, dans l’Indiana, Justin Vollmar est l’une des révélations folk rock les plus merveilleuses de ces dernières années, chaînon manquant entre Bevel et Nick Drake. C’était alors en plein été indien, le magasin bruissant d’agitation, lorsque Justin, sa guitare et son magnétophone quatre pistes ont fait taire tout le monde. Il a joué très faiblement, à la limite de la timidité, mais les mélodies et le chant appliqué, teinté d’émotions fortes ont saisit l’auditoire de college kids en goguette et autres vedettes du semi-mythique Bloomingtonfest. Une demi-heure s’est écoulée ainsi, on état sur un nuage, au bord des larmes. Cinq dollars plus tard, on avait entre dans les pattes le premier album fait à la main, sur un simple CDR, de Justin Vollmar : soit une collection de douze chansons lumineuses publiées sur Orphanology, le sous-label de Blue Sanct. Son boss, Michael, nous a glissé que Justin s’attelait à la production de son premier véritable album, profitant du matériel que l’Université d’Anderson mettait involontairement à sa disposition. On ne remerciera jamais assez cette école d’avoir donné les moyens à Justin d’y produire Every place is home.
Exactement un an plus tard, une enveloppe kraft orangée rentre difficilement dans la boîte aux lettres. C’est l’album de Justin, publié cette fois-ci sur Blue Sanct. Every place is home est un chef-d’oeuvre. Il contient dix chansons reliées entre elles par une unité narrative stupéfiante, avec ce thème d’un père manquant et d’une difficile construction de soi, ainsi que des « sons trouvés » qui permettent cette cohérence incroyable. Fragiles, oniriques et profondément touchantes dans leur aspect autobiographique, ces chansons traduisent les étapes difficiles qui mènent de l’enfance à l’âge adulte. Elles sont ainsi articulées autour du propre rite de passage de Justin. Empruntes de poésie quatre pistes, de bruits ambiants, de trains de marchandise, d’eau qui coule et de sirènes de police, ces dix merveilles sont chantées avec une voix post-adolescente qui procure une pureté remarquable à l’ensemble.
Susan, Did you hear et The Old man’s coming home et leurs fortes mélodies à base d’harmonica rappellent le Dylan pourtant intouchable de John Wesley harding. How far can the wise man spread his wings et l’immaculée Do you have hope in your eyes ? auraient pu tout aussi bien être enregistrées par Leonard Cohen ou Nick Drake. Grey hearts et Simple tune finissent de rendre cet album immensément fort et cohérent. Au final, cet album est peut-être le plus beau disque de l’année 2002. Il exprime l’itinéraire fragmenté et personnel d’un jeune homme qui passe progressivement de la douleur d’un père trop longtemps absent à l’espoir de trouver un chez soi dans chaque lieu visité. Admirable.