Cet album a mis vingt-deux ans à sortir ! Annoncé en 1978, il a été maintes fois abandonné, puis retravaillé, puis abandonné à nouveau par son auteur, Joseph Suchy, guitariste allemand basé à Cologne. Smile (clin d’œil à l’envers aux Beach Boys ?) est son deuxième disque, après un petit 45 tours bien psyché (Tau, sur Tonschacht). Sorti sur GroB (label qu’il codirige), il est composé à la fois de vieilles bandes et d’enregistrements récents.
De quoi s’agit-il ? Avant tout de guitare bruitiste, dynamique, brutale. Aidé d’un simple multi-pistes et de sa guitare, Suchy construit des paysages sonores très denses, qui passent de volcans en éruption au calme ressac de l’océan. Ne pensez pas Loren Mazzacane Connors, pensez plutôt Matt Bower (Total) ou Alan Licht dans leurs meilleurs moments. Ce disque est physique, mais aussi cérébral. Car Suchy ne se limite pas à des paysages bruyants. Il excelle aussi dans les passages acoustiques, les mélodies orientales (il a étudié les instruments arabes en Afrique et en Asie), les atmosphères contrôlées au millimètre. Neuf morceaux, donc, dont deux pièces maîtresses : le premier, très long et très puissant, et le deuxième, magnifique chose sonore qui pourrait ressembler à un concert de Einsturzende Neubauten circa 1979, mais dans le désert. Ailleurs, de petits intermèdes, des collages, et partout de la guitare, lourdement modifiée, et accompagnée de bleeps jamais inutiles
Bien sûr, la comparaison avec Merzbow est inévitable. Le premier morceau ayant été enregistré au Podewil à Berlin, le lendemain du passage de Masami Akita en live, Suchy assure que l’air chargé de l’électricité du concert de la veille se retrouve dans son morceau. Théorie facile, mais vérifiable à l’écoute.
Le parcours de Suchy, à l’image de son disque, est plutôt atypique : il a joué avec, entre autres, FX Randomiz et Jan St. Werner (de Mouse On Mars) dans le groupe Four Square Logos (sur le label Gefriem), mais aussi dans le groupe freecore Metall Assemblague. Récemment, il a joué de la guitare sur le génial Con Ritmo de Bernt Friedman (sur Scape). Entre électronique et guitare improvisée, Suchy aujourd’hui, c’est Ron Asheton à l’époque du glitch. Ou quelque chose comme ça !