Semi-vedette populaire depuis l’effarant succès de Marie à tout prix, film où il roucoulait d’hilarantes sérénades entre deux scènes imbéciles, Jonathan Richman revient en grande forme sur ce neuvième album sous son propre nom, sans les Modern Lovers. Un nouveau disque de Jonathan Richman, qui arrive comme ça, sans crier gare, reste un événement marquant de n’importe quelle année donnée. Le petit dernier s’appelle donc Her Mystery not of high heels and eye shadows, un titre sibyllin qui renvoie aux antédiluviens concepts de la princesse juive des premières années avec les Modern Lovers. Vapors, le label de Neil Young accueille Jojo à bras ouverts depuis le désopilant Surrender to Jonathan paru en 1996.
Les deux diablotins en terre cuite, rouges et rutilants, de la pochette, renvoient à Jojo et à son fidèle batteur, Kenny Larkin, et laissent entrevoir des influences plutôt mexicaines, ce qui n’est pas étonnant car on retrouve ici les désormais traditionnelles chansons en espagnol, quatre en l’occurrence. C’est également la première pochette à ne pas représenter directement Jonathan, en photo ou en peinture, en presque 25 ans de carrière en solo. Her Mystery not of high heels and eye shadows renoue avec un format plus folk rock et primesautier que I’m so confused, qui était traversé par les visions pop de Ric Ocasek. Cela étant, ce nouveau disque reste dans la droite lignée des albums inclassables du Douanier Rousseau de la musique populaire américaine. Paru il y a trente ans ou dans trente ans, il en aurait été de même. D’ailleurs, Jonathan s’est aussi mis à la peinture et au dessin, comme ses illustrations en attestent, à mi-chemin de la pochette de Future des Seeds et de la naïveté picturale de Daniel Johnston. C’est cette naïveté, parfois mélancolique, que l’on retrouve sur Leaves on the side walk after the rain, titre qui illustre parfaitement le dos de la pochette. Jojo, outre Kenny, est ici accompagné par les Rubinoos, Greg Keranen, John Rubin et Tommy Dunbar, ses anciens compagnons d’écurie du temps où le label Beserkley fleurait bon le bastion de la (power) pop de la fin des années 70.
Fidèle à son habitude, il propose une relecture d’anciens morceaux tirés de son répertoire universel et inépuisable, à savoir Give Paris one more chance, déjà présent sur Jonathan sings en 1983, ainsi qu’une version hilarante et hispanisante de Vampir girl, que l’on retrouvait déjà sur You must ask the heart en 1995. L’instrumental Maybe A Walk home from Natick high school ou le post-doo-wop de My Love for her ain’t sad rappellent ainsi la bienheureuse nostalgie de Back in your life ou de Morning of our lives, des chansons qui respirent la rentrée des classes et le plaisir d’avoir un nouveau cartable, (I got a bag of my own dirait James Brown, que reprend Jojo sur scène), soit la vie dans son expression la plus belle, simple et sincère.