Composées alors que Bach est en poste à Cœthen, les Six sonates pour clavecin et violon sont des œuvres mal connues dont il n’existe que peu d’enregistrements. Le maître a en effet produit, en seulement six années de service auprès du prince Leopold, un tel nombre de chefs-d’œuvre (Concertos brandebourgeois, Clavier bien tempéré, Partitas pour violon seul, Suites pour violoncelle…), que ces sonates passent aujourd’hui presque inaperçues.
C’est dire s’il faut saluer les deux intégrales sorties simultanément dans les bacs. Si la version de Rachel Roger et Trevor Pinnock (deux CD édités par Channel Classics), quoi qu’honnête, pèche par son manque d’engagement, celle de Lucy Van Dael et Bob van Asperen est de toute premier ordre.
Les deux musiciens néerlandais, en traitant les Six sonates comme pure musique de chambre, ont fait un choix judicieux. Ils ne privilégient jamais un instrument au détriment de l’autre et obtiennent, mouvement après mouvement, un équilibre exceptionnel. Car Jean-Sébastien Bach, tout autant violoniste que claveciniste, n’a pas écrit des sonates pour violon et clavecin comme l’usage le prétend, mais bien des Sonates pour clavecin et violon (Mozart d’ailleurs fera de même) . L’instrument à clavier n’a donc aucunement fonction d’accompagnateur et il s’agit d’un dialogue constant entre deux personnages. On pourrait même, à l’écoute des deux albums, entendre des sonates en trio, où la main droite du clavecin en contrepoint du violon serait accompagnée par la basse continue tenue à la seule main gauche.
Le schéma des cinq premières sonates est le même (celui de la sonata da chiesa ) : lent-vif-lent-vif où alternent mélodies souples d’influence italienne et pièces contrapuntiques (fugues, inventions, canons..). Les moments d’émotions de l’Adagio ma non tanto (Troisième sonate en mi majeur) ne sont pas maquillés et Lucy Van Dael et Bob van Asperen trouvent ici une justesse stylistique, une respiration commune faite de lucidité et de tendresse.
En complément de programme, on trouvera une version alternative de trois mouvements de la Sixième et dernière sonate (en sol) dont le merveilleux allegro central pour clavecin solo. Cette œuvre, de forme sonata da camera, comporte en effet cinq mouvements où les mouvements rapides prédominent.
L’élégance du jeu, les choix des tempos (assez modérés), la simplicité et surtout la finesse du comportement de Lucy Van Dael et de Bob van Asperen face aux caractères toujours changeant des sonates, font sans doute de leur version, une référence.
Bob Van Asperen, clavecin. Lucy Van Dael, violon. Enregistré du 11 au 13 octobre 1999 à l’église Saint Michael de Londres.