En pratiquant intensivement le tennis jusqu’à l’âge de dix-sept ans, Jay-Jay Johanson aurait pu suivre le même itinéraire que ses jeunes compatriotes suédois qui trouvent dans ce sport et la soif de victoires et un remède à l’ennui. Le sort en a décidé autrement. A l’écoute de disques de jazz hérités de son père et de groupes aussi divers que Abba, Kiss, et surtout Portishead, ce doux rêveur d’une nature profondément mélancolique s’est inventé un univers à la mesure de ses petites déprimes. Un premier album intitulé Whiskey est venu, voilà un peu plus d’un an, conforter ce sentiment, même si une forte charge d’ironie perçait déjà sous ce fond de gravité.
Fasciné par la culture française (poètes, cinéastes et compositeurs classiques), Jay-Jay Johanson demeure un chanteur intriguant. Sa voix lascive et fragile suscite, loin de la froideur attribuée à ses congénères, une réelle émotion. Et s’il continue à puiser dans la sensibilité des jazzmen-crooners (Chet Baker, ou l’indémodable Johnny Hartman), les sonorités de son nouvel album, Tattoo, se sont enrichies de tout un attirail électronique -discret au demeurant -(DJ, scratchs, boîtes à rythmes), orientant certaines de ses chansons vers le hip hop ou le trip hop (Sudden death), et plus curieusement, mais avec quelle réussite, vers la bossa-nova (Quel dommage, I guess I’m just a fool).
Tattoo est sans conteste plus sombre et plus dur que Whiskey. Mais il se révèle aussi d’une plus grande diversité, et d’une rare intensité. Brassant différents styles sans perdre l’unité ombrageuse que lui a donnée son auteur, il rend plus familière cette musique -le jazz- chargée d’une force émotionnelle que ne possède plus que trop rarement le rock. Et impose de ce fait Jay-Jay Johanson comme l’un des auteurs-compositeurs les plus singuliers du moment.