Cas rare dans notre pays, le label Skylax s’est donné comme objectif de sortir de la musique de qualité, exclusivement en vinyle, et de créer une image et une direction artistique forte à l’image de son fondateur Hardrock Striker. Dj Sprinkles (aka Terre Thaemlitz), Snuff Crew, Jungle Wonz, Mr Fingers, Simoncino, Nicholas et autres acteurs incontournables de la house ont tous en commun d’avoir signé des disques dans ce refuge contre le mauvais goût.
De son côté, Jason Grove est un producteur de Détroit au passé musical aussi singulier qu’indépendant : refusant tout compromis (dont l’ordinateur), il ne travaille que sur des machines, et n’avait jusqu’alors signé et enregistré ses morceaux que sur cassettes. Logiquement, le vinyle est aujourd’hui la voie choisie pour la ressortie officialisée de ces remarquables lost tapes aux origines variées. Ce n’est en effet pas la moindre de ses qualités, 313.4 ever mélange cuts anciens et productions plus récentes, sans que jamais cela sonne comme une arnaque marketing destinée à combler une compilation de singles avec quelques inédits pour faire passer la pilule – et on a des noms…).
L’ensemble se tient d’un seul tenant, fier et droit, sans couture apparente. A une époque musicale qui peine à trouver ses marques en raison du retour en grâce – pour le meilleur comme hélas le pire – des 90s, il tombe même à point nommé. Car à la croisée de deux lignées house, 313.4 ever déborde d’une modernité qui bien que teintée d’une forte sensibilité de la grande décennie new-yorkaise ne s’inscrit pour autant pas moins dans cette Eden deep après lequel tant de producteurs contemporains courent avec plus ou moins de bonheur depuis quelques années. Un pied entre Chicago, NYC et Détroit, à cheval sur plus de 25 années de house music, Grove réussit parfaitement son exercice. Le disque s’ouvre de manière culottée sur un morceau chanté intitulé Bonus Beats, à mi-chemin entre le Détroit de Chez Damier et Terrence Parker, et le NYC / New-Jersey 90s du garage. Ailleurs on devine d’autres influences effleurées : Chris Shivers sur Dub mode et Northside beats, un hommage léger à Lil’ Louis deuxième période sur Citybeats… Les voix masculines évoquent Michael Watford au meilleur de sa forme (dans sa période Atlantic / EastWest) ou Nathaniel-X) ou les sonorités Mentalinstrum / SmackProductions qui auraient rencontré Kerri Chandler qui auraient rencontré les M.A.W. qui auraient rencontré… Mais épeler les qualités de chaque morceau de cet album serait à la fois fastidieux et surtout vous gâcherait le plaisir que vous aurez à le découvrir. Sachez seulement que Grove est un producteur précieux à la signature sonore hyper singulière ; en 2012 c’est plus qu’une gageure, c’est une vraie rareté.