En attendant le nouvel album « officiel » d ‘Animal Collective (Feels, prévu pour l’automne 2005) et après le très joli single quatre titres enregistré avec l’égérie folk 70’s Vashti Bunyan (ou comment réconcilier une voix d’or de la tradition folk au modernisme chercheur du groupe new-yorkais), le collectif animal a mis en place son label tête chercheuse, Paw Tracks. Manière de développer un peu plus son identité hybride, expérimentale, fouineuse, en sortant récemment trois nouvelles références, plus ou moins intéressantes.
Jane, d’abord, est le projet en duo de Noah Lennox (Panda Bear) et Scott Mou. Ces deux-là travaillaient ensemble dans le même magasin de disque à NYC, Scott faisait le Dj en ville de temps en temps, et les deux amis ont décidé de se réunir pour faire de la musique de danse, inspirée selon eux par la « mechanical robo dance » de Detroit, Chicago et Berlin. En fait de techno, Berseker est plutôt une excursion amicale et détendue autour de quelques beats répétitifs et discrets, des nappes synthétiques ou organiques mises en boucles, des petits inserts bruitistes (bruits de bouches, frottements, bruits blancs), le tout relevant plutôt de l’ambient délicate que de la machine à danser. Par sa répétitivité extrême, la longueur des morceaux (10 minutes en moyenne) et la recherche des textures et des ambiances, Berseker évoque le mariage inédit de Brian Eno et de Maurizio, une musique atmosphérique, minimaliste, usant d’échos et de filtres, des petits litanies chamanes récurrentes dans la discographie de Panda Bear, des onomatopées délayées à la Arthur Russell. Un disque tout à fait agréable à écouter, cotonneux comme un rêve urbain, autiste comme tout ce que touche Panda Bear, pas révolutionnaire pour un sou, mais attachant dans ces errements improvisés comme dans ses affirmations cross-over.
Ariel Pink, en provenance de Los Angeles, après le fascinant The Doldrums, a sorti très vite son deuxième album, l’effet de surprise en moins. Worn copy ressemble en effet beaucoup à son prédécesseur : même impression d’écouter une radio FM des 70’s filtrée par un cerveau malade ou sous acide, mêmes gimmicks lo-fi rendant le tout indistinct, salement compressé, Restent les mélodies maladives, maigrelettes mais tenues, de seconde main mais réellement pop, comme de véritables tubes mainstream perdus dans un vortex où l’espace temps est distendu, où les instruments se font pitcher malgré eux, où la voix oscille et fluctue sans façon. Tentatives funk bizarres, incursions soul-jazz blanches passent à la moulinette de l’esprit dérangé du petit Américain, quelque part entre Ian Dury, Arthur Russell (encore) et des Talking Heads écervelés. En tout cas, en termes de production, cette nouvelle référence d’Ariel Pink est encore un ovni, suffisant, mais pas nécessaire (à votre discothèque s’entend : si vous avez le premier album, celui-ci n’est que pure redite).
Reste l’album des Peppermints, groupe punk-rock de San Diego (capitale mondiale des bases militaires et des burritos mouillés), pour clore cette sélection paw-tracksienne. Le quatuor au cheveux teints a été comparé à GG Allin, The Fall, Melt Banana, Joan Jett, The Coachwhips, The Soft Boys, Wire et Noh Mercy : on n’affirmera pas le contraire. Reste un harsh-rock bruyant, mal produit, mal foutu, sans grand intérêt. L’album s’appelle Jesüs Chryst, la cover imite la scène de la cène, avec le groupe se pintant au vin rouge, c’est iconoclaste et daté.
Au final, Paw Tracks est un label amical (on signe ses potes d’abord, quelque soit l’intérêt de leur production), éclectique (FM 70’s, lo-fi pop, dance minimaliste, punk-rock débile), dont on ne comprend pas bien les règles opératoires (la ligne), mais dont on apprécie la générosité juvénile. On attend la suite.