James Delleck, découvert sur la mix-tape L’Antre de la folie, dont il était l’instigateur avec Tekilatex de TTC, sort un premier album hip-hop et electro, Acouphène. A 27 ans, James Delleck est activiste hip-hop depuis plus de 10 ans : d’abord danseur puis Mc au sein de la Horde (avec les futurs X-Men, Hi-Fi et Laddjah), collectif de Vitry qui squattait « Générations » (radio parisienne spécialisée hiphop) à coup de cassette lo-fi autoproduite, puis avec Le Secret Sous E-Crew (avec Etat Second et LaFraze).
Acouphène est le premier album de James Delleck, même si l’appellation « album » convient moyennement à un disque qui regroupe des titres déjà entendus sur des mixtapes ou des compilations, ainsi que plusieurs versions du maxi C’est in. C’est in est un titre gonflé de beats electro cheap 80’s, critique et ironique sur la société du spectacle parisianiste, l’élitisme bobo branché : « Je suis in / Je suis dedans / J’incarne le bon goût / Cathy Guetta me fait la bise / Putain j’ai tapé haut / Je vais même voir des films croates en VO / Je vais à des expos d’avant-garde / Là où il y a du neuf / Et où les gens classieux s’échangent leurs meufs ». Le même morceau est donc décliné en version trip-hop cool (un brin trop french-touch chic, avec le vocoder tendance molle) dans La Bulle, et en « version hip hop » plus hachée, moins radio. Justement, Radio libre fait plus tard l’apologie de l’indépendance artistique contre la world company hip-hop (Skyrock), sur des samples lents et bardés d’accords mineurs. Beau moment de l’album.
Mais l’angoisse monte d’un ton avec le point d’orgue de l’album, Antechrist, dérive d’un schizophrène sur un flow chirurgical, entrelardé de commentaires de psychiatres ou d’infirmiers sur « le cas » Delleck : « Il parle toujours à la première personne du pluriel / Nous sommes là / Nous ne prendrons pas notre traitement / On ne sait pas combien ils sont / Mais apparemment il n’est pas seul… ». Le tout sur de très beaux arrangements qui ne sont pas sans évoquer le meilleur de TTC (Subway…). Des titres plus lents font par ailleurs respirer l’album, pas forcément de la meilleure manière : Le sourire, avec son piano lointain, distille son phrasé parlé sur l’arrivée de la mort de façon sans doute sincère mais un peu complaisante ; et Aère est un peu téléphoné avec son mid-tempo et son vocoder.
Acouphène se termine sur Outrolynchienn, mix de sonorités électroniques angoissantes sur fond de comptines enfantines, sur lesquelles se greffent des beats electronica à la Warp, de belle tenue. Le genre de production qu’on aimerait voir plus souvent dans le rap français. Peut-être avec l’album de l’Atelier (le groupe qu’il forme avec Tekilatex (TTC), Cyanure (ATK), Fuzati (Klub des Loosers), Tacteel et Para One) ou « Demain… les étoiles » avec son compère Le Jouage (Hustla), ou encore sur un premier vrai album pour 2003…