Le moins que l’on puisse dire c’est que ce groupe revient de loin. Apparu au milieu des années 90, Jack avait le tort d’avoir été précédé par les Tindersticks, et à leur lyrisme parfois un peu trop évident nous avions préférés à l’époque celui de Delicatessen. Mal nous en a pris.
Car ce groupe renaîtra ou s’échouera avec ce disque intriguant, ce disque de la dernière chance, qui sait assurément décrire la condition des trentenaires lucides, largués, libres et sans le sou, obsédés par la musique et les mots, tourmentés par l’alcool et les femmes : « We dress up just like we’re rich, we ain’t got trust fund, we were born middle aged, we were old when we were young (…) we never have to be on time, it’s our birthday every five years. » Et parfois résignés à un sort peu enviable (« Our lives will fades and be replaced. »), Jack jette un regard acerbe et désabusé sur l’époque qui ruine chaque jour un peu plus (tout spécialement d’un point de vue anglais) son passé et augure d’un présent proprement invivable pour tout être un tant soit peu attaché à l’idée de l’art et de la beauté. « We arrest the unknown civilization in Alcohol on the promise of a false tomorrow (…) London is a nation (…) lost. Your everyday life, the greatest lie God ever god to see. This is the shape of the way things are. This is the end of the way it’s always has been. » Voilà une forme nouvelle de protest-songs, de folk-music, véritablement désespérée mais loin d’être résignée.
Et si l’on se permet de citer plus de paroles qu’à l’accoutumée c’est qu’Anthony Edwards a un certain talent pour ça, collaborant avec Dan (fils de John…) Fante, et ne faisant pas ombre de ses fixations littéraires assumées (de Tolstoï à Bukowski) pour une fois sans la moindre prétention.
Moderne cette musique ? Des nèfles, oui. Derrière tous ces samples et ces rythmes programmés se cachent tapis dans l’ombre, les années Factory, Curtis Mayfield, l’indie-pop anglaise ante-Stone Roses, T-Rex, David Bowie, Roxy Music période Brian Eno et beaucoup de rêves d’Amérique(s), plusieurs orchestrations qui viennent des mêmes influences que les Tindersticks mais qui ne sonnent pas du tout pareil. On pourra donc rapprocher Jack d’un de ses contemporains, Piano Magic : une musique venant du passé mais excitante et pertinente aujourd’hui. Ce qu’on se fera un plaisir d’aller vérifier sur scène très prochainement.