Découverts en 2009 par la grâce d’une compilation de leurs singles sortie sur Too Pure, voilà un groupe qui force l’admiration (lire notre entretien). Vite repéré par 4AD peu avant que le label signe Ariel Pink pour Before today, le groupe a évolué à grande vitesse avant de signer ce deuxième album sur Safe & Sound, label incomparablement plus petit mais qui élabore certaines des meilleures tambouilles du rock indie britannique d’aujourd’hui. Bonne nouvelle que cette réduction d’échelle, donc, tant elle semble faire gagner le groupe en ambition. Véritables stakhanovistes, les compères multiplient les enregistrements, concerts, singles et EPs aux pochettes et artworks soignés, souvent en éditions (très) limitées faites main, qui s’arrachent en une heure. Il est donc fort possible que ce groupe se mette à sévèrement déchaîner les indie twittos en mal de fougue – un groupe de pop avec tout ce qu’il faut d’expérimentation pour surprendre, et qui ne trousse que de bonnes chansons, il n’en faut pas plus pour nous exciter. Des débuts dream-pop et shoegaze, un peu mellow, du premier album, qui était clairement dans le prolongement de leurs débuts, ces quatre garçons du Kent évoluent vers un son plus hybride, à la manière de ces villes limitrophes, à cheval sur deux ou trois départements.
Laughing party s’établit donc aux frontières du shoegaze, de la dream-pop et du drone. Des plages (on n’a pas d’autres mots pour le fantastique morceau d’ouverture, The Big E) longues voire très longues, saturées de guitares, interminables traînes bruyantes, alternent avec des titres ultracompacts. Plus brut de décoffrage que le précédent Inside your guitar, Laughing party est aussi plus fonctionnel (No one should know) : les guitares y sont omniprésentes, les voix sont murmurées et fondues dans le paysage sonore ainsi posé. Voilà comment le groupe s’écarte des codes posés sur leur premier long, tout en recyclant certaines de ses formes éprouvées, comme sur Massachussets, hanté par une boucle hypnotique de guitare et qu’une autre guitare vient accompagner en contrepoint.
Tour à tour bruyant et caressant, Laughing party porte bien son titre, fourmille de trouvailles et saute d’un style à l’autre avec une aisance folle, drone, pop noisy, dérives folkeuses (Massasuchetts), titres bluesey (Time square). Cette multiplication des emprunts dynamite le « format chanson » et privilégie les instrumentaux ou les morceaux aux intros démesurées, frôlant sans peine l’art-rock (Strange noise) – on se souvient qu’ils avaient récemment repris deux titres de Sun-Ra pour les réinterpréter d’une manière très personnelle, pour leur traditionnel EP de Noël.
Laughing party est une collection de perles disparates, aux formes non conventionnelles et joliment présentées, sans fioritures ni détails de mauvais goût. C’est classe, cohérent et intrigant, ça a un charme infini. Plus incisif, plus expérimental, plus surprenant qu’Inside your guitar, ce dernier opus d’It Hugs Back positionne sur l’échiquier un groupe dont on attend dorénavant beaucoup.