Sept ans de réflexion pour en arriver là : à trop faire du cabotage près de ses habitudes ou à naviguer où les vents emportent, on frôle le naufrage. Dabah, album coquille vide, voies d’eau à tous les niveaux, dont l’hymne principal est jeté sur les ondes façon hit de l’été, Faut qu’on s’aime. Le plus prometteur des sénégalais chantants boit la tasse.
Sept ans de maturation depuis Iso, avec entre temps la compilation Jammu Africa en 1996, et un retour de flamme grâce au Tajabone planant depuis le Tibidabo jusqu’au Barrio Gotic de Barcelone, dans Todo sobre mi madre d’Almodovar. Alors que le groupe de ses débuts, le Super Diamono sort un album anniversaire de 25 ans de carrière qui sonne comme un bilan après certaines dérives, Ismaël Lo, lui, semble en panne d’inspiration, ou plus exactement, on le devine happé par le syndrome Cheb Mami / Youssou N’Dour : star-system et arrangements dépersonnalisés ont asséché le talent du peul poignant de Jammal Africa.
Le trait de caractère principal de Dabah est sans aucun doute de n’avoir aucun caractère, justement : Ismaël Lo et sa soul sahélienne se sont ensablés, englués dans le son occidental. C’est le cas par exemple pour Aiwa, pop commerciale, Boulfalé, aphone et sans âme, Biguissé, m’balax teinté Zaïre ou encore Amoul solo : ces titres sont mélodieux, certes, mais les arrangements sans idée ni aspérité les rendent banals. La belle voix aux multiples variations n’est plus un instrument, elle semble en pilote automatique, atone. La langue de Molière n’est pas non plus à l’honneur : à la guimauve sans âme signée Patrice Guirao de L’amour a tous les droits, aussi inspirée que le Aïcha de Khaled à la moulinette Goldman, répond le titre phare de l’album, Faut qu’on s’aime. Les paroles font plouf et la musique toc : de quoi faire un succès de l’été dans la lignée des Lambadas et autres sucreries light en musique. Les errances musicales trouvent leur sommet avec Sayoute, pseudo cha-cha sénégalais pour chanter la démocratie en Afrique : la sauce cubaine voyage bien mal parfois.
L’album s’achève avec une brochette de titres, Madame, N’Dally, Xalas et Mam, qui ressemblent à s’y méprendre à la musique servie dans les boîtes de nuit des grands hôtels à Abidjan ou Dakar. Alors selon le bon adage « séparer le bon grain de l’ivraie », la mission avec Dabah s’avère facile. Sur les 14 titres, deux valent la peine : le titre éponyme de l’album, Dabah, une sorte de fils légitime de Tajabone, et Badara, où la voix se libère, parce qu’une guitare et un harmonica suffisent à la faire éclore et à la mettre en valeur. Après repêchage, on admettra Diour Sani, mélodieux mais européanisé.
Inutile d’en remettre une louche, l’album ne passe pas la moyenne, loin de là. Quand le Super Diamono sort un album riche et équilibré, bilan de 25 ans, quand Baaba Maal retourne aux sources mélodiques ou quand El Hadj N’Diaye sort un album magnifique, Ismaël Lo trébuche. Sept ans de réflexion pour un album qui ne compte pas. Au suivant.