L’album de I Love UFO est de ceux qui produisent un effet tel qu’on serait à peine surpris d’apprendre que le Ministère de l’intérieur lui-même est intervenu pour le retirer des bacs et le faire classer directement au tableau des produits stupéfiants. C’est que les trois UFOlogues s’y entendent pour trousser un space-rock d’obédience métallique (on est davantage dans la galaxie de cosmic warriors à la Hawkwind que dans les constellations niaiseuses à la Pink Floyd) quand il n’est pas krautrock (les fans de Can, au hasard, devraient retrouver leurs repères à l’écoute de titres où la basse bégaie aussi obsessivement que sur le morceau-titre Wish).
Le power trio francilien n’a pas son pareil pour envoyer la sauce sans tergiverser : le chanteur et guitariste, un véritable possédé répondant au doux sobriquet de Butch Mc Koy (mais où a-t-il été chercher un tel pseudo ?) se donne des accents se baladant quelque part entre un John Lydon et un Robert Smith, comme sur Go away, qui viennent colorer de teintes new wave -voir cold wave- des titres sous forte influence seventies de manière générale. A d’autres moments, il adopte le gosier passé au papier de verre plus commun aux groupes heavy (ce sauvage Happy birthday qu’on ne souhaite à personne). N’étant pas habitué à faire rimer seventies avec extase auditive, on ne pourra que louer I Love UFO de nous emporter aussi facilement dans des terres souvent reléguées aux seuls headbangers cloutés qu’on côtoyait jadis au collège. Même quand il donne dans la balade mystico-médiévale (Train), autre écueil redoutable dans le registre métal, I Love UFO conserve un sens de l’a propos qui fait passer allègrement la pilule. Peut-être que leur background, qu’on devine résolument punk et post-punk (PIL est une influence évidente), est pour beaucoup dans le fait qu’ils évitent la moindre surcharge de gras pour se concentrer sur un son sec et nerveux. Ils ont sans doute plus à voir avec la concision punk-rock d’un Motorhead qu’avec les égarements de bon nombre de suiveurs plus bêtement orthodoxes ou caricaturaux. Sans prendre grand risque, on peut imaginer que les trois membres se connaissent depuis suffisamment longtemps et ont développé une intelligence musicale assez poussée pour parvenir à transmettre cette impression tout à fait palpable de forteresse sonique sans faille. Une architecture assez impressionnante, parfois très oppressante, toujours à angles multiples. C’est sans doute cet esprit d’ouverture, dans la posture comme dans leur Art, qui leur a ouvert les portes de Record Makers, label parisien multiforme. Cette rencontre leur a sans doute permis de confier leur bébé à un producteur assez inattendu, Vicarious Bliss, plus connu de la sphère electro que du monde rock.
Plus que pour tout autre groupe, on vous conseille vivement de saisir la moindre occasion de les voir sur scène : la sortie de Wish s’y prête et puis leur musique et leurs personnalités prennent encore une autre dimension dans la chaleur d’un set. Il n’est pas si fréquent de pouvoir, de nos jours, toucher littéralement du doigt du métal en fusion ou de participer à une messe noire sans Grand Guignol.Attention, groupe psychotrope en puissance !