Quand le printemps ressemble à l’automne, peut-être qu’il ne nous reste qu’à nous laisser envahir par la mélancolie subtile d’Azul, nouvel album d’Héléna. A notre grande surprise, derrière la brunette craquante et superficielle de son personnage télévisé (Plus vite que la musique sur M6) se cache une Héléna plus en demi-teintes. Azul en est la preuve et c’est Philippe Katerine qui, pour la première fois, lui permet de se révéler sous un jour différent, une sorte de rêverie brésilienne qui, tout en ayant Paris pour théâtre, nous mène loin des tapages communs. Et c’est dans cette posture que réside toute la force d’Azul : réalisé rapidement, en quatre jours, les onze titres de l’album s’imposent avec la légèreté de l’évidence et de la simplicité dont sont empreints les projets modestes. Par ailleurs, écoute après écoute, chaque titre distille une magie captatrice qui vient nous convaincre définitivement que l’on est en présence d’un grand disque, d’un moment rare.
Héléna se dévoile sans doute davantage ici que sur ses précédents projets et, accompagnée des Recyclers, elle trouve enfin les couleurs et les lumières dont elle avait besoin pour s’émanciper et développer ce que l’on sentait en germe, par exemple, sur les titres qu’elle a réalisé avec Ollano (notamment leur single Latitudes). Il fallait sans doute que Katerine, le Français le plus brésilien de France, se penche sur le cas d’Héléna, la Portugaise la plus française du Portugal, pour que l’alchimie prenne. Azul, c’est aussi et surtout le disque d’une rencontre.
Pour une grande partie en portugais ou brésilien, les chansons, on le sent au-delà de la barrière de la langue, parlent de séparation, d’amour, de mélancolie et encore d’espoir. Avec Morrer nos seus braços ou Ceù azulou, Héléna se situe d’emblée sur un pied d’égalité avec les grands maîtres du genre (et en particulier avec Astrud Gilberto dont elle emprunte souvent le timbre vaporeux). Azul donne aussi l’occasion de redécouvrir un titre de Katerine, Mon bel andalou, et ce nouveau coup de projecteur permet de réaliser à quel point cette chanson est déjà un standard qui, de ce fait, ne dépareille pas en si belle compagnie.
Azul nous rend, tour à tour, amoureux ou mélancolique, et quand à la fin de l’album le paradoxal Tout commence fait dire à Héléna « Tout commence/Tout commence/Comme on danse… » on comprend qu’un sortilège opère -voilà pourquoi cet album tourne en boucle sur la platine- : la sincérité des protagonistes d’Azul fait qu’on ramène du voyage des flashes, des satoris plutôt que de vulgaires cartes postales.