Hauschka, de son vrai nom Volker Bertelmann, est allemand et a entrepris de rendre le piano préparé moins confidentiel, sans pour autant en faire une pratique easy listening. Abandoned City est né selon ses dires d’un « sursaut d’énergie créatrice », à la naissance de son premier fils. Là où le commun des mortels pose les 11 jours réglementaires de congé paternité et retourne à IKEA pour terminer la chambre du petit primate, Hauschka compose et enregistre chez lui, en dix jours, un disque complexement délicieux, opposant systématiquement ambition et simplicité. Autant le dire tout de suite, on ne retrouve dans Abandoned City aucune ode instrumentale à la paternité ou à la reproduction. L’ensemble est dur mais léger, oscillant entre joie et tristesse.
Abandoned City est le septième album solo de la (large) discographie d’Hauschka. Depuis Substantial, l’album des débuts en 2004, celle-ci semble respecter un cahier des charges précis, proche de la check-list du pilote avant le décollage. Collaboration avec un artiste islandais ? Check (Pan Tone avec la friandise Hildur Guðnadóttir, sur le label Sonic Pieces). Enregistrement avec apparition de membres de Calexico ? Check (Salon Des Amateurs). Album de remixes ? Check (Salon Des Amateurs Remixes). Et donc sortie du dernier opus sur City Slang en Europe et Temporary Residence aux USA.
Abandoned City est une collection de rêveries sur des villes fantômes. Chaque morceau porte le nom d’une « vraie » ville fantôme. A partir de la quatrième écoute, logiquement, l’homme moderne craque et se dirige gaillardement sur Google Images. L’homme est parti et la nature se réapproprie peu à peu l’espace. A l’écoute des splendides « Who Lived Here ? » et « Craco », on se surprend à céder à une noble et diffuse mélancolie, qui ne fait ni vulgairement référence à une rupture, ni à tout ce que l’on a fait de mal, pas plus qu’aux ruminations morbides matinales. La rythmique de chaque morceau est posée immédiatement, sans jamais lasser. Au détour des phrases du piano classique apparaissent mille sonorités, nuances, légères dissonances, bruits et petites surprises. L’intérêt d’Abandoned City ne réside pas dans ses mélodies, mais dans la finesse ouvragée de l’ensemble, où le musicien opère à la façon d’un orfèvre.
La valeur du compositeur ne doit pas faire oublier les capacités d’improvisation de l’instrumentiste. Un détour par la Maison des Arts de Créteil le 1er avril, où Hauschka accompagnera le danseur Edivaldo Ernesto serait une bonne idée et transformerait un mardi en Mardi.