Le fabuleux groupe Atari Teenage Riot a été fauché en pleine ascension par la mort de son Mc Carl Crack, et c’est bien triste, car les membres restants ont semble-t-il bien du mal à s’en remettre. D’autant que le groupe avait atteint un passionnant pinacle créatif, en plein creux physique et moral (se reporter à l’ultime live noise Live At Brixton Academy), et que l’on était déjà en droit de s’interroger sur le futur du groupe après la limite infranchissable 60 second wipeout. Bref. Alec Empire a plongé de haut en voulant rattraper sa naissante popularité auprès des teenagers avides de Slipknot et s’est moyennement planté, trop extrême et sincère qu’il est, et sa comparse Hanin Elias est aspirée dans un cul-de-sac artistique alors même qu’elle essaye de revitaliser son art autrefois extrême.
Un gros problème se posait : comment se renouveler après avoir côtoyé l’extrême ? Comment faire moduler son propos sans avoir l’air de vendre son âme au diable ? Autrefois passionnante vocaliste des limites (considérée même comme le pendant féminin de Blixa Bargel d’Einsturzende Neubauten), Elias se plante forcément, et même pas de manière ambiguë ou intéressante. Pour décrire le son de ce deuxième album solo, après un In flames qu’on avait peine à dissocier des autres sorties DHR de l’époque, il suffit de reprendre l’équation puissance hardcore + bruit blanc + tréfonds mélodiques gothiques + breakbeats furieux et d’enlever tout ce qui rendait cette dernière si excitante, à savoir le boucan et les hurlements. Autrement dit, il ne reste vraiment pas grand chose d’intéressant, et on se rapproche presque par moment d’une mauvaise blague electro-indus. On peut blâmer les musiciens producteurs, notamment l’inconnu C.H.I F.F.R.E qui plombe des morceaux gothiques déjà téléphonés avec des programmations d’une pauvreté sonique sans nom. Mais même quand Hanin fait appel à son vieux compagnon Alec, cela donne You suck, pathétique exercice hip-hop où elle se ridiculise avec un flot digne de Vanilla Ice. Sur Rockets against stones, Elias est partie chercher Merzbow himself pour remplir les trous béants de son morceau… en vain, il ne se passe rien, et le morceau reste d’une vacuité qui fleure bon la démo. Sur Blue, The Bee et Tonight, c’est le très hype Khan qui s’y colle, pour trois tentative electro-rock pas si honteuses à la base, mais sur lesquelles Hanin s’époumone de manière totalement irrationnelle (elle n’a semble-t-il RIEN à dire), si bien qu’on a un peu l’impression d’assister à une sinistre démonstration de karaoke. Plus grave, enfin, c’est Jay Mascis qui peine à sauver le morceau éponyme de l’abysse de nullité dans lequel il finit tout de même par retomber.
Bref, tout ça est bien pathétique, et très décevant. Le morceau final s’intitule Falling deep, et c’est exactement ce que fait Hanin Elias sur ce triste opus : de morceau en morceau, elle ne cesse jamais de s’enfoncer, de plus en plus profond dans un précipice sans fond de vacuité mélodique, sonique et intellectuelle -et on n’évoquera même pas ici les velléités féministes de ce pathétique essai. On sait DHR abandonné par la hype depuis peu -la dernière livraison de DHR, une compilation rassemblant des petits jeunots en provenance des USA, a été laminée ou ignorée- et ses artistes vectorisées gabber-beaufs. On regrette, mais on ne contredira pas ici la hype.