Gabrieli consorts & players, dir. Paul McCreesh
Dans des pièces beaucoup moins rebattues -mais qui se plaindra d’un énième enregistrement du Messie, lorsque Handel lui-même reprit une bonne douzaine de fois la grande oeuvre de sa vie ? -, McCreesh et sa petite bande avaient déjà fait entendre qu’il faudrait bientôt compter avec elle parmi les baroqueux de tout premier rang. C’est chose faite aujourd’hui, avec, donc, cet admirable gravure de l’oratorio célèbre entre tous du maître saxon, qui assène un sacré coup de vieux aux Hogwood, Christie et autres Gardiner.
Exécuté dans sa version du Foundling hospital (1754, l’une des dernières données par Handel himself), ce Messie devrait réconcilier anciens et modernes, ou du moins, séduire même les plus réfractaires aux interprétations sur instruments d’époque, car McCreesh réussit -c’était son pari- la synthèse quasi idéale entre le texte original et ce que le XXèsiècle nous en a appris. Messie pour le millénaire, donc, d’une ferveur et d’un enthousiasme communicatifs, à l’impact dramatique (théâtral) immédiat, nous donnant à entendre, enfin, certaines pages comme on ne les avait jamais entendues -spécialement dans les airs de soprano.
Après leurs sublimes albums ibériques Victoria et Morales, les Gabrieli consorts & players prouvent qu’ils sont aussi à l’aise de ce côté-là du Channel, déployant un faste vocal et instrumental laissant à quelques lieues d’eux parmi les plus beaux ensembles baroqueux (on pense notamment à Gardiner et au Monteverdi). Choeur inapprochable, solistes d’une superbe homogénéité (mention spéciale, pourtant, aux deux sopranos Dorothea Röschmann et Susan Gritton), l’osmose est absolue. Avec ce Messie, Paul McCreesh entre de plain pied, et de façon magistrale, dans l’univers handélien.