Disponible en import chez Bella Union depuis l’année dernière, l’album de Gwei-lo est le premier d’une série de sept albums instrumentaux de sept titres réalisée par le label. Series 7 regroupe ainsi des artistes comme Harold Budd, Mick Turner, Rothko, ou encore les Cocteau Twins, Robin Guthrie et Simon Raymonde (les boss du label). Cet album est aussi tristement le dernier de Gwei-lo, du moins sous sa formation actuelle, puisque le guitariste du quatuor britannique est mort sur scène à l’âge de 24 ans en juin 2000 lors d’un live à Cambridge.
En dépit des critiques dithyrambiques du Wire, Gwei-lo ne restera sûrement qu’un nom de plus à liste déjà longue des passagers clandestins qui profitent du buzz post-rock. Gwei-lo donne des verges pour se faire battre. A la question « comment résumer en un mot la musique du groupe ? », on a envie de répondre sans se fouler : « reportez-vous au titre du 4e morceau : Annoy« . Car chez Gwei-lo, on frôle toujours l’ennui constant. Homework nous donne une clé d’interprétation encore plus pertinente : la musique de Gwei-lo serait le devoir à la maison d’un élève peu scrupuleux, qui omettrait de mettre des guillemets lorsqu’il cite un auteur.
Après Larmousse qui revisitait sans génie les décombres encore fumants de Come on die young de Mogwai, voilà donc Gwei-lo (en chinois, « promeneur fantôme ») qui se réapproprie les albums Ten rapid et Young team du groupe écossais, bien vivant, lui. La boucle est bouclée : triste besogne de récupération. Et on désespérera d’être surpris : prévisibles (comme le final de Corona qui renvoie au fondu entre I am not batman et Tuner), les compositions pêchent également par le manque d’originalité de leurs équilibres dynamiques. Le couple guitare musclée/batterie sèche et nerveuse vs basse serpentine (comme dans Cellsong) est du domaine public (réécoutez Mogwai fear satan) ; et les techniques sont archi-connues (du recours aux harmoniques jusqu’aux murmures de voix sur Homework). Bizarrement, on se dit pourtant que le son (basse lourde, guitare métallique) et les trésors d’habileté déployés par le batteur empruntent davantage à Gish des Smashing Pumpkins (Annoy, 12) qu’à la collection post-rock.
En 1997, Gwei-lo eut sûrement fait son petit effet : seulement voilà, depuis quatre ans, ladite avant-garde qui a contribué au renouveau du rock, a su développer de nouvelles formes de discours, réintégrer de manière inattendue certains oripeaux du rock (comme le chant) que l’on croyait jetés aux orties. Dans un univers de création menacé d’être happé par le mainstream, l’underground est structurellement soumis à toujours innover. Avec un album composé en 2000 qui reprend des bases avancées en 1996, Gwei-lo commet un anachronisme difficilement pardonnable et suscite un rejet d’autant plus cinglant que son propos semble inutile. Pour féconde que soit l’économie globale de ce système (émulation constante d’un front d’artistes), elle ne contribue pas moins à faire ses premières victimes parmi des groupes comme Gwei-lo. Sa position légèrement décalée sur l’échiquier de la création fait de lui un groupe ni dérangeant, ni même consensuel : un groupe d’entre-deux. En se contentant de vivre des innovations de pionniers sans aller jusqu’à les galvauder, la formation est destinée à l’oubli. C’est le regrettable foisonnement de tels groupes qui dans 10 ans nous poussera à exiger un « devoir d’inventaire » de la galaxie post-rock, et à nous interroger sur les raisons pour lesquelles une nouvelle approche du rock, qui se voulait libre, s’est si vite figée en une posture détestable.