Il fallait s’attendre de la part de la troupe ambitieuse Gus Gus à quelque chose de surprenant et de sophistiqué à la fois, capable de fédérer les multiples talents des uns et des autres. C’est désormais chose faite avec ce This is normal somptueux, d’une élégance flippante, au tracé princier. En ce sens, la surprise n’a pas eu lieu. On reste ébahi devant tant de virtuosité et de rectitude dans la démarche, et ce, en toute simplicité.
C’est l’une des premières pensées qui vienne à l’esprit à l’écoute de ce disque qui allie le souffle de l’île la plus hype du Grand Nord à une émotion plus continentale, plus proche de nos mentalités. Cette ouverture d’esprit dont le collectif fait preuve, jusque dans son nom –Gus Gus est rapatrié du film Tous les autres s’appellent Ali de Fassbinder, dans lequel une pute tonitruante fait un couscous d’acier, qu’elle nomme « gus gus »-, est l’une des clés pour comprendre la formidable réussite qu’est This is normal. Le titre même de l’album, dont la phrase est largement utilisée lors des projections d’images et de messages diffusés pendant les concerts du groupe, est un indice à la fois du naturel dans lequel les Gus Gus évoluent, en même temps qu’il est empreint d’une bonne dose d’ambiguïté et de perversité. Et un titre comme Ladyshave ne peut laisser l’auditeur ignorant du fait que les rituels sexuels intéressent cette communauté culturelle au plus haut point -Siggi Kjartansson et Stefan Arni n’ont-ils pas involontairement posé les bases de l’édifice Gus Gus en cherchant à réaliser un documentaire sur l’échangisme à Reykjavik ? L’humain, avec ses qualités et ses défauts –Superhuman, Love vs. hate-, est toujours au centre des thèmes développés par ces Islandais un poil givrés mais pas du tout glaçants, et l’émotion qu’ils laissent à dessein transparaître dans leur musique -la complainte Dominique qui clôt l’album est sans aucun doute l’un des moments musicaux de l’année.
Brassant, par leurs activités -musique, ciné, art, multimédia, etc.-, des influences fort diverses, les Gus Gus deviennent intéressants, voire magistraux, dans leur capacité à construire un univers sonore unique, poussant le degré d’interaction de deux genres -pop et house- jusqu’à un point qu’on ne connaissait pas, jusqu’à aujourd’hui.
On aura peu parlé musique concernant This is normal, mais ce qui était important, et ce qui fait de ce disque un disque important, c’était d’essayer de voir ce qui, dans le cas de Gus Gus, aidait à donner naissance à une œuvre utilisant ses propres codes, créant ses propres normes. This is normal.