Dans la longue suite des traditions revisitées et renouvelées, on peut retenir le maloya du clan Gramoun. Sous l’œil du vieux Julien Philéas, 68 ans et des poussières, accompagné par sa marmaille (ses enfants et ses petits enfants), s’étire sans peur le groove alternatif des esclaves noirs débarqués sur l’île Bourbon. Il fut une époque où la censure coloniale méprisait et étouffait le genre, en l’accusant de subversion. On dit qu’il y avait alors deux genres de maloya. Celui qui guérit et celui qui amuse. Seul point commun entre les deux branches de la même famille : apporter la joie de vivre à celui ou à celle qui les convie dans sa cour. Un principe qui continue d’habiter cette musique aux pulsions positives. A preuve, cet album sur lequel la voix puissante du patriarche, surnommé père-dynamite à ses débuts lorsqu’il contribua, à l’instar d’un Firmin Viry, à l’émancipation du genre dans les années 70, nous inonde de bonheur. Les choeurs s’extasient, le kayamb s’énerve, le rouleur se démène, pikèr, triangle, congas, tambours malbars et autres subtilités percussives nous entraînent dans la ronde à pas de 6/8. Un rythme au tempo lourd de sens, issu des champs de canne… qui navigue aujourd’hui entre les fêtes kabare et les circuits pro de la world business, sans se renier. Un chant qui parle du quotidien. Du chômage qui fait rage. Des femmes avides de sous. Sans oublier de rendre hommage aux ancêtres esclaves.
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