A l’heure d’un retour en grâce des guitares acoustiques et des architectures boisées (le couronnement récent d’un groupe comme Kings Of Convenience) qui inspirent même à la presse anglaise un de ces mouvements éphémères et saisonniers dont elle a le secret (le NAM : traduire « New Acoustic Movement »), cette sortie des cartons des premiers pas du légendaire Gram Parsons représente une véritable aubaine.
Des mythes de la musique américaine moderne, celui de Parsons (The Grievous angel, « l’ange cruel ») est vraisemblablement l’un des plus fascinants, l’un des plus glauques aussi : Ingram Cecil Connor III est né en 1946, lesté d’une hérédité à base d’héroïsme militaire, d’infanticide, d’alcoolisme et autres joyeusetés avant de se lancer dans une carrière chaotique mais extrêmement influente pour la country et le rock (pour mourir finalement à l’âge de 27 ans). On s’étonnerait presque que Hollywood ne se soit pas encore emparé de l’histoire de celui qui tenta de façonner une « musique cosmique américaine ».
Si Parsons reste plus connu pour sa participation (avortée au moment de la sortie du disque, avant sa récente réédition) à l’album Sweetheart of the rodeo des Byrds et pour l’influence qu’il eut sur les Rolling Stones, il ne faut pas manquer de mentionner ses débuts au sein de l’International Submarine Band, les deux albums des Flying Burrito Brothers (The Gilded Palace of sins notamment) et deux fantastiques disques en solo (GP et Grievous angel) enregistrés peu avant sa mort en compagnie d’Emmylou Harris. Les enregistrements qui sortent aujourd’hui ont été réalisés en 1965 de la manière la plus simple possible, sur un magnétophone rudimentaire, et représentent un avant-goût passionnant et véritablement habité, un digest surprenant de sincérité, de spontanéité et d’influences majeures (Tim Hardin, Buffy Ste Mary ou encore Fred Neil, dont il serait un cousin encore adolescent), alors que Parsons faisait ses premières armes sur les scènes des clubs folk du Village.
Cette musique profondément enracinée, définitivement honnête et parfois maladroite (cette manière un peu ampoulée de reprendre The Last thing on my mind de Tom Paxton, une des plus belles chansons au monde au demeurant), donne au bout du compte plus qu’un document historique : un disque passionnant qui prouve à nouveau qu’il n’est pas besoin d’aimer la country (crime manifeste à l’heure du tout technologique) pour savourer l’œuvre de Gram Parsons. On peut aussi observer avec quelle assurance il grave pour la première fois sur bande un de ses plus grands morceaux, Brass buttons : juste un homme et sa guitare, la pureté même. Après il y aura les mauvaises fréquentations, la drogue, la mort et le désert, mais c’est une autre histoire…