Musea s’est spécialisé depuis quelques années déjà dans la production de groupes japonais à tendance progressive, de Gerard à Side Steps en passant par Ars Nova. Gestalt fait partie de ces découvertes surprenantes que l’on peut faire en Extrême-Orient, c’est-à-dire un mélange d’influences occidentales (ici, le rock progressif) et d’une culture nippone forte qui imprègne les voix, les thèmes musicaux et le concept général de l’album. Ce dernier consiste en fait en une joute de forces obscures (Gomorrha et Khan) rappelant un peu le yin et le yang, ce qui fait que l’album est scindé en deux faces bien distinctes.
La première face, appelée Orient (Khan) side, propose des morceaux psychédéliques un peu à la manière des sixties et de Jerry Garcia ; d’autres titres sont influencés par la musique Zeuhl chère à Magma avec des vocaux imprécatoires et une rythmique obsédante. Elle se termine par deux morceaux plus conventionnellement progressifs : une chanson pseudo-cele (Celtic song) et Wakt El Istikhad, au thème à consonance légèrement arabe où se développent des solos superbes de saxophone et de guitare. La deuxième face (Psy-phy Gomorrha side) est beaucoup plus expérimentale avec des mixages étonnants. Gomorrha est un morceau influencé par Magma, où un son d’alien (i.e. un son de synthé un peu futuriste et angoissant) mixé au premier plan se dispute avec la basse pour créer un riff très agressif que n’aurait par renié Jannick Top, le bassiste de Vander. Les voix déclament des paroles dans un langage apparemment de leur invention, certainement aussi proche du japonais que le kobaïen l’est de certaines langues européennes. Les trois derniers titres sont d’une veine plus hard rock progressif et laissent une large place aux solos de guitares.
Les musiciens de Gestalt se sont partagés la composition des douze titres de Gomorrha vs Khan (trois compositeurs parmi les quatre membres du groupe), ce qui permet au disque d’avoir des thèmes très différents, avec des influences changeantes témoignant d’un réel effort de groupe, les musiciens savent se mettre au service des autres pour obtenir une musique variée, violente et énergique.