Qui a échappé au Messie de Georg Friedrich Haendel ? Personne, tant la notoriété de cet oratorio dépasse de très loin le simple cercle des mélomanes. L’œuvre accompagne les foules dans leur ferveur en tous genres, et vous ne trouverez pas une seule chorale (amateur) qui n’ait poussé son Alleluyah. Déjà en 1742, ces trois heures de musique, composées en quelques petites semaines, furent accueillies triomphalement. Nous sommes à Dublin, ville dont le rayonnement artistique fut immense au 18e siècle, et Haendel, alors au fond d’un gouffre financier et artistique, trouve là son salut.
Depuis les années 50 (1750 bien sûr), l’oratorio connut un succès grandissant. Cependant, les interprètes, dès la fin du 18ème siècle, ne respectèrent pas ses dimensions, son orchestration ainsi que le nombre des choristes requis. Confusion entre Grandeur et Gigantisme.
Aujourd’hui, en respectant l’équilibre des proportions, William Christie réussit fondamentalement son enregistrement Il nous livre la clef indispensable à la juste compréhension du Messie. Neuf chanteurs à la création, sept à la mort de Haendel, six solistes aujourd’hui accompagnés par un chœur de 25 chanteurs et un orchestre de chambre. Vision sobre, éclairée. Pouvait-on mieux fêter les vingt ans des Arts Florissants ? William Christie est un militant. Arrivé de Buffalo dans les années 70, (1970, contrairement aux apparences), il imposa peu à peu, aux cotés d’autres pionniers de l’interprétation baroque (Leonhart, Harnoncourt..) une façon nouvelle, proche des sources musicologiques, de lire ces textes anciens. A la manière d’un créateur. Après vingt ans de direction des Arts Florissants, le monsieur, devenu citoyen français, châtelain, amateur de camembert au lait cru, fait œuvre militante.
Tout comme Haendel. Destin croisés : Haendel, né Prussien, naturalisé Anglais, Christie, né Américain, échoué sur les bords de la Garonne. Cette réédition ne pouvait mieux signifier une telle résurrection.