Pop est le quatrième album de Gas (alias Mike Ink, de son vrai nom Wolfgang Voigt), après Gas, Zauberberg, Königsforst et le mini-album vinyle Oktember. C’est aussi certainement le plus beau. Le principe est toujours le même : avant la techno, il y avait Gas, c’est-à-dire de longs lambeaux de sons électroniques aux harmoniques minimales… Six morceaux très longs, contemplatifs et lumineux, parsemés de mélodies lointaines, aussi éloignés que possible, bien sûr, de toute notion de pop.
Dès le premier titre, absolument magnifique, Gas nous ramène dans ses chers sous-bois, mais cette fois, ils sont transpercés de rayons de lumière et d’une bruine légère. Puis le soleil se couche et pendant huit minutes, le jour décroît : c’est le second titre. Alors vient la nuit, le genre de nuit que Biosphère affectionne, humide, polaire, solitaire, glaciale. Bruits de gouttes, bourrasques, murmures : le troisième morceau, très sombre, évoque les fantômes qui hantent les ténèbres de la vieille Europe (Schoenberg, Berg, Wagner). La musique de Gas n’est pas de la techno : elle flotte, dérive, s’éparpille comme une nébuleuse sonore. Et pourtant, dès la quatrième plage, une pulsation s’installe calmement pendant sept minutes. Ne pas s’attendre à des changements dans les morceaux en eux-mêmes : il n’y en a pas, ou presque pas, ou peut-être ne sont-ils sensibles qu’aux oreilles attentives. Ainsi, le cinquième titre, très minimaliste, consiste en un seul long drone de dix minutes, à peine dérangé par le bruit du vent dans les branches. Le sixième et le septième titre (respectivement dix et quatorze minutes) sont identiques, à ceci près que le numéro sept ajoute une rythmique semblable à une respiration, comme un pouls qui bat au cœur des forêts de pins.
La musique de Gas ne parle pas, elle évoque des images d’une nature rêvée et virtuelle, qui se chercherait ses nouveaux romantiques, ses nouveaux désespoirs, ses nouveaux Schopenhauer. En très peu de gestes et de signes, elle en dit plus long sur la techno que n’importe quelle autre musique électronique. Pop est donc un nouveau grand disque ambient de Gas, simple, beau et isolé (dans la scène de Cologne), comme tous les précédents… A écouter seul, au repos.