Belle grosse déception que ce deuxième album de Garbage, Version 2.0. Et comme son titre l’indique, il ne faut pas s’attendre à des innovations renversantes et des chamboulements élyséens. C’est l’indigne suite du premier bébé, avec, pour seule petite variation des sonorités dans lesquelles la technologie -les machines, quoi- s’entend plus. Mais c’est que nos amis sont des bêtes de studio, des super-perfectionnistes de la console et du son ultra-léché, et cela aussi s’entend, au détriment du reste, c’est-à-dire des morceaux. Car de chansons originales, point. Et si l’on ne faisait pas un tant soit peu attention -ces foutus réflexes : on ne peut s’empécher de se répéter : « C’est Garbage, quand même »-, on écouterait le disque dans son intégralité en musique de fond sans se douter qu’il est composé de douze titres distincts.
Ça fait quand même mal de se dire que quoi que fasse Garbage, il y en aura toujours pour crier au génie, et des fans transis au point de jurer que Version 2.0 est « encore meilleur que celui d’avant ». Mal, car sur ce disque, pas grand chose à sauver, si ce n’est admirer, effectivement, la maestria avec laquelle Butch Vig et ses compères triturent les potards, le mélange de dédain et de faux-jetonnerie avec lequel ils gèrent et leur carrière et leur image. PROFESSIONNELS, le mot est lâché, les Garbage sont devenus des pros du studio, des pros de la scène, des pros de la com’, des pros de l’interview (les derniers entretiens dans la presse anglo-saxonne ou française sont affligeants de banalité).
De plus, le monde des rock critics est en manque d’égéries féminines (Debby Harry usée jusqu’à la corde, Madonna rangée des bagnoles et du talent, Chrissie Hynde mémérisée, etc.) ; bah tiens, on peut se prendre la petite de Garbage, elle est gentille et elle plaît aux gamins. Est-ce cette nouvelle pression qui l’a forcé à chanter, sur ce Version 2.0, avec autant de spontanéité qu’une Claire Chazal présentant son 2998e JT ? D’ailleurs sur certains titres –When I grow up, Special, on jurerait entendre les gazières de Blondie ou des Pretenders !
Non, si l’on excepte un Push it efficace -100 % premier album- et peut-être You look so fine, semi-ballade à demi-réussie, on pourra franchement se passer du reste. Comment douter que Garbage ne finisse comme les Simple Minds, bouffis et incrédules sur la scène d’un stade trop grand pour eux, ou au mieux comme U2, c’est-à-dire en perpétuelle quête d’identité, la vie minée par la crainte d’être considérés comme des losers. A force de marketer le produit, de vouloir lui donner la forme parfaite, ces quatre-là et leur maison de disques ont créé une espèce d’entité musicale sans visage -ou alors si commune- condamnée à plaire aux masses : la pire des condamnations à mort.