Instrument soundtrack est, comme son nom l’indique, la bande-son du film Instrument que Fugazi vient de terminer avec le réalisateur Jem Cohen (qui a notamment collaboré avec R.E.M., Jonathan Richman, Miracle Legion, Vic Chesnutt et Blonde Redhead). Le film, sorti en vidéo et dans quelques salles aux USA, est une compilation de onze années d’images prises en super 8, 35 mm et vidéo autour de la vie du groupe : lives, tournées, studios, interviews, etc. Le disque est constitué de 18 morceaux regroupant démos, répétitions et inédits. Pink frosty et Lusty scripps sont deux petits morceaux post-slintien proches de Shellac, la démo de l’excellent (et un peu idiot sur le procédé) Arpeggiator est amusante puisqu’il y a un maximum de reverb’ sur la batterie. Afterthought est de la mignonne pop américaine, Trio’s, Turkish disco et Floating boy rappellent que la force du groupe réside dans ses mélodies de guitare acérées et les imparables lignes de basse en boucle de Joe Lally. Me and Thumbelina : à peu près n’importe quoi. Link track pourrait évoquer Will Oldham, Little Debbie nous ramène aux beaux jours du hardcore avec voix de sanglier empaillé et H.B fait dans le Godflesh lo-fi (je plaisante). I’m so tired nous fait entendre Ian McKaye aux prises avec ses cordes vocales : il essaie de chanter « normalement » sur un accompagnement au piano (assez joli, d’ailleurs). C’est évidemment lamentable tellement il chante mal, et en même temps triste et touchant. C’est bien simple, on dirait la fameuse scène de Velvet goldmine où Iggy Pop (Ewan Mc Gregor) essaie de chanter devant un Bowie désespéré de tant de médiocrité. Bon. Rend it est très étrange, bourré d’écho (Fugazi goes dub ?), certainement à cause de l’utilisation d’un humidificateur en guise de percussion (yes !). Close captioned, qui fait la part belle aux guitares mandolinées et à la batterie (distordue) est très étonnant. Fugazi pourrait être un groupe beaucoup plus bizarre finalement. C’est très étrangement mixé, donc très intéressant ! Guilforfd fall, peu original, « tourne bien ».
Voilà un bon petit vieux groupe bien pro et honnête qui ne peut pas décevoir et qui fait bien son travail d’honnête artisan (avec des accords qu’on n’oserait plus utiliser aujourd’hui). L’inquiétant Swingset distille une atmosphère sourde et tamisée, Shaken all over (58 secondes) est inutile et l’excellent Slo crostic termine le disque calmement. D’ailleurs, Instrument est l’occasion de constater que, très techniquement, les démos de Fugazi sont plus lentes que les morceaux sur les albums et au moins aussi bonnes, ce qui prouve que Fugazi n’est pas un groupe étouffé par la production, un groupe talentueux, peut-être un peu limité dans sa palette sonore, mais humble en tout cas (et c’est très bien comme ça). Un disque pour les fans et seulement pour eux.