Un album sensible, mariné de douceurs multiples. Un album cuit à point… pourrait-on dire. Le meilleur -probablement- de la part de ce pionnier des sentiers modernes de la musique. En compagnie du quartet Amaya (African Music Yet Authentic), dans lequel on retrouve ses deux surdoués de fils, Toups et Patrick (saxophone,percus, sanza et flûtes pygmées), ainsi qu’un autre complice du son, l’excellent bassiste Noël Ekwabi. Onze titres sur lesquels on ne ressent aucune trace de cet humour qui contribua beaucoup à ses premiers succès (Agatha, Si les gaulois avaient su, la condition masculine…).
Onze titres d’une gravité mesurée, qui, d’une certaine manière, nous résument -avec la maturité en plus- toute la démarche créative d’un personnage qui n’a cessé de surprendre depuis ses débuts officiels dans les années cinquante, même s’il est vrai que certaines de ses oeuvres durant ses dernières années paraissaient inachevées. Une voix toujours expressive, qui sait nous causer du bonheur intérieur, sans omettre de nous rappeler que l’humanité reste ce qu’elle a toujours été, c’est-à-dire un idéal qui doit être honoré sans cesse. Chaque titre reprend à sa manière ce credo, sans jamais avoir besoin de forcer le trait. Dibiyé, Stabat Mater Dolorosa, Essok’am… le propos -en anglais, en français et en douala- est simple mais émouvant et vrai. Pureté des sons qui se mélangent, sensuelles mélodies qui voyagent… le maître dévoile tout son classicisme sur cet album et libère toutes ses pulsions empreintes de modernité à la fois.
Conteur, poète, musicologue… ce fils de pasteur baptiste, élevé au son de Bach et de Haendel, devenu virtuose à la guitare classique, à la sanza (lamellophone à pouces) et au n’dehou (la flûte pygmée à une note), démontre avec cet album acoustique qu’une culture plurielle n’est pas forcément une perte d’identité. Auteur d’un ouvrage sur la musique africaine, devenue référence dans le monde anglo-saxon (il est introuvable en francophonie), il nous montre, à près de 70 ans, comment épouser le monde (l’Europe, les Amériques…), sans renier un seul instant ses ancrages (l’Afrique, bantu, pygmée…) au nom d’un quelconque métissage à la mode. Sa musique ressemble totalement à l’esprit qui guide son quartet. C’est avant tout une question d’authenticité. Autant dans son dialogue avec le sacré que dans ses interrogations multiples par rapport à l’univers profane. Quel qu’il soit…